En 2024, la parole fait comme les bulletins de vote, elle se libère !
Aussi, quand une majorité d’électeurs montre qu’elle en a marre des bougnoules, j’ose enfin crier haut et fort que je hais les Espagnols.
Au début des années 80, alors que de délicieux moustachus faisaient la chenille au Palace, Bjorn Borg régnait en maître Porte d’Auteuil. En ces temps insouciants, les Italiens se mettent à rafler tout ce qui bouge dans le sport. L’idole transalpine, Francesco Moser, n’a jamais pu grappiller autre chose que des classiques. En 1984 à 33 ans, le professeur Conconi lui donne un léger coup de pouce médical pour pulvériser le record du monde de l’heure d’Eddy Merckx. Dans la foulée, il s’offre le Giro, seul grand tour de sa longue carrière. Trois ans plus tard Stephen Roche signe à la Carrera, célèbre équipe italienne. Le talentueux Irlandais n’avait jusqu’ici gagné que trois courses d’une semaine. En 87, il signe un triplé Tour – Giro - Championnat du monde, un exploit inhumain que seul le « cannibale » avait réussi, et que personne n’a jamais refait.
Au sortir de cette décennie dorée, le CONI, Comité Olympique italien, décide de faire le ménage dans ses officines : résultat, Conconi, Ferari et quelques autres hématologues sont déclarés indésirables chez eux… et accueillis à bras ouverts par une Espagne post-franquiste éprise de liberté ! Indurain enquille cinq Grandes Boucles et Jalabert se met à grimper comme un bouquetin. Les Ibères se remettent à briller en coupe d’Europe de foot… et sur le marathon. Certains glanent même des titres en ski de fond !
Mais revenons à nos raquettes…
A partir de 1993, la Coupe des mousquetaires sera soulevée 5 fois par des mains espagnoles en onze ans, avec cinq finalistes au passage. Certainement le hasard… ou le travail. Les deux décennies suivantes sont celle du taureau de Manacor, absolument insoupçonnable de la moindre aide biologique.
7 sets abandonnés en 14 victoires pour 14 finales disputées… on est plus près de la chape de plomb que de la glorieuse incertitude du sport. Si on ajoute ses tocs, c’est comme s’il avait fallu assister durant des heures aux exhibitions d’un névrosé qui se touche à chaque fois qu’il passe non loin d’une école primaire.
Bref, chers lecteurs, voilà je l’espère de quoi excuser cette xénophobie coupable. Il faut dire que pour aggraver son cas, Rafa a régulièrement tabassé Roger sur la terre battue du Chatrier. Sa stratégie n’a jamais varié d’un iota : pilonner le subtile revers slicé du Suisse de son coup droit bazooka. Résultat, trois petits sets lâchés en quatre finales sans réel suspense.
Sur le web, on peut retrouver l’interview d’un petit tennisman de douze ans.
- Quel est ton nom ?
- Carlos Alcaraz.
- Quel est ton rêve ?
- Gagner Wimbledon et Roland Garros.
- Qui est ton joueur préféré ?
- Roger Federer.
Et pourtant, Nadal s’est déjà imposé neuf fois à Paris !
C’est dire si je ne suis pas le seul à avoir été gavé par une certaine standardisation.
Rien ne permet de penser que le suivi médical de Carlos serait moins efficace que celui de ses glorieux aînés. On pensait tous que la retraite du chevalier helvète allait laisser un vide incommensurable. Contre toute attente, un Murcien à peine sorti de l’adolescence a repris le flambeau du panache et de la créativité.
Et de ce côté là, c’est du jamais vu dans l’histoire de la petite balle jaune.
Alcaraz n’est pas un compromis, un équilibre entre plusieurs voies : il est tout à la fois.
C’est la première fois qu’il nous est permis de voir un tel joueur. Quand certains avaient un ou deux plans de jeu, lui les a tous. Il a tous les coups possibles dans sa besace, à tel point qu’on se demande même si Pat Rafter lui était supérieur à la volée ! Au final, ça ne doit pas être si facile à gérer que ça. Imaginez une soirée en discothèque où vous avez une sérieuse ouverture. La stratégie est simple, vous mettez tout en œuvre pour assouvir votre désir coupable : si vous en déviez d’un pouce, vous vous astiquez le manche. Sinon, il y a Alain Delon ou Brad Pitt… et Carlos au tennis.
Ça peut expliquer son inconstance sur la durée d’un match ou d’un tournoi et certaines défaites inattendues. Mais quand Rafa assommait la plupart de ses adversaires, la glorieuse incertitude du sport prend tout son sens avec son jeune compatriote. On ne sait jamais comment ce prodige accédera à la victoire ; mieux, on se dit parfois qu’il risque de perdre. Le scénario de ses matchs est rarement écrit d’avance, il est le seul capable de renaître de ses cendres, plusieurs fois dans la même partie : une défense invraisemblable, une volée irréelle ou un coup droit supersonique peuvent à tout moment le remettre en selle.
Quand certains doivent râler, tricher, truquer ou sombrer dans l’autisme pour réussir, lui sourit comme un pote de classe qui a eu 20 à son devoir d’histoire. Quand on voit ses accolades de fin de match, vainqueur ou pas, il semble difficile de trouver un collègue qui ne l’apprécierait pas.
Ce gars simple distille du bonheur.
En demi-finale à Roland, il a joué comme une quiche pendant trois sets contre Jannik Sinner, le nouveau patron du circuit. Comme souvent. Il est allé cherché une victoire là où personne n’aurait pu le faire.
Juste le temps d’enfiler sa Rolex et sa paire de Nike, l’interview d’Alex Corretja est remarquable.
- How did you learn to win this match, because you always try to enjoy and to have fun ? And today it was all about suffering.
- You have to find the joy suffering, I think that’s the key !
Est-il nécessaire de traduire ?
En ce vendredi de juin, même les ignares auront compris que le Christ était descendu nous rendre une petite visite sur le central.
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