Les patates sautées de Mémé Nanette valaient bien un détour par Vitry-sur-Seine. Dorées, croquantes, moelleuses à cœur, le pauvre chien pouvait toujours tirer la langue pour espérer sa part. Blanquette de veau, bœuf aux carottes ou veau Maringo, le cordon-bleu de la famille n’avait jamais raté un plat en plus d’un demi-siècle de pratique. Or, par un morne déjeuner d’hiver, elle commit l’irréparable… la seule erreur de sa longue carrière. Le soufflé au fromage englouti, le rôti en passe de l’être, tout le monde reluquait en salivant le faitout dans lequel les pommes rissolaient.
Saler, poivrer, le bonheur serait bientôt dans l’assiette.
C’est souvent le moment que choisit ce salaud de malheur pour frapper. Debout, les bras ballants, la pauvre femme s’adresse aux convives l’air dépité :
- Elles sont ratées !
- Tu dis toujours ça, je suis sûr qu’elles sont excellentes.
Elle tient le pot de poudre à récurer dans sa main droite, comme l’assassin son revolver encore fumant.
- Je me suis trompée, j’ai mis de l’Ajax dans les patates !
Dyslexie culinaire, prémisses de la sénilité, Mémé Nanette nous quittait six mois plus tard…
Côté tambouille, on ne s’ennuie pas non plus de l’autre côté des Alpes. Osso-Bucco, pizza, glace… ne parlons pas des pâtes. Spaghetti, ravioli, cannelloni, panzani, comment ne pas aimer l’Italie.
Madame Errani est une vraie mama qui ne rechigne jamais à servir les spécialités du pays. Cinquième joueuse mondiale en 2013, sa championne de fille lui rend régulièrement visite entre deux tournois de tennis.
Le 15 février 2017.
- Sara ?
- Si mama !
- Tu as faim ?
- Si, i’en ai marre de mangiare à l’hôtel.
- Io cucino ton plat préféré.
- Mama !
- Des tortellini.
- Oh !
- Con lardons e pesto.
- Non !
- E gorgonzola.
- Mama ?
- Si ?
- Ti amo !
Malheureusement pour le tennis transalpin, la signora tape sévèrement dans la gourde de Chianti. En rappant le fromage, elle fait tomber un cacheton de Femara dans les nouilles, son médoc contre le cancer du sein. Quelques semaines plus tard, la pauvre enfant est contrôlée positive au létrozole. Provoquant une augmentation du taux de testostérone, cette hormone permet de cogner un peu plus fort dans la balle : l’Agence Mondiale Antidopage n’apprécie que moyennement, la joueuse risque de 2 à 4 ans de suspension. De bonne foi, elle plaide la contamination accidentelle, la pilule ayant pu se dissoudre dans le jus… et puis elle ignorait tout du cancer de sa mère. De quoi arracher quelques larmes aux magistrats du tribunal arbitral du sport, sa suspension est réduite à 10 mois.
En 2012, Sara avait déjà fait preuve d’honnêteté en répudiant le docteur del Moral - le bien nommé - qui s’occupait de sa santé… et de celle d’un certain Lance Armstrong, célèbre chevalier de l’éthique et de la propreté dans le sport.
On n’a pas fait mieux jusqu’à une histoire bien connue entre un Chinois, une chauve-souris et un pangolin…
L’Italie, c’est la grinta, cette combativité latine qui mène à la victoire.
C’est aussi un pays où le Trofodermin est en vente libre dans toutes les pharmacies. Cette crème permet de soigner les brûlures ou les plaies cutanées. Le hasard de la biochimie fait qu’elle contient du clostébol, stéroïde anabolisant synthétique dérivé de la testostérone. Autrement dit, largement de quoi se laisser pousser les biscotos. Un visuel indique clairement qu'il s'agit d’un produit jugé dopant.
Entre 2019 et 2023, 38 athlètes, footballeurs ou tennismen italien se sont fait prendre la main dans le tube, soit la moitié des cas positifs au clostébol recensés dans le monde ! Ça fait un paquet d’analphabètes ou d’écervelés qui ne regardent pas les images, le sportif transalpin fait rarement de longues études.
Jannick Sinner est numéro un mondial depuis un an.
En 2022, il a engagé Daren Cahill, le coach faiseur de N°1. Avec son deuxième entraîneur, son préparateur physique et Giacomo Naldi, son physiothérapeute, l’ancien skieur ne fait pas dans la dentelle de Burano. On serait plutôt dans le sport professionnel, le vrai.
Si Jannick mange des graines, Giacomo éprouve une passion coupable pour la charcuterie. Il ne voyage jamais sans un jambon de Parme et quelques sifflards. Début mars à Indian Wells, ce morfale s’entaille le doigt en découpant quelques tranches de saucisson. Un petit coup de Trofodermin pour cicatriser, l’affaire est dans le sac. Le 5 et le 13 mars, il masse son poulain qui ferraille durement sur les courts californiens.
L’Agence Internationale pour l’Intégrité du Tennis (ITIA) déclare :
"[Jannik] Sinner a fourni un échantillon en compétition lors de l'événement ATP Masters 1000 d'Indian Wells, aux Etats-Unis, le 10 mars 2024, qui contenait la présence d'un métabolite du clostébol à de faibles concentrations. Un autre échantillon, prélevé hors compétition huit jours plus tard, s'est également révélé positif pour le même métabolite – toujours à de faibles concentrations"
- C’est pas moi, c’est lui ! S’excuse le rouquin. C’est de la faute du kiné :
« Cela a entraîné une contamination transdermique à son insu ». A l’insu de son plein gré… ça ne vous rappelle rien ?
Ce jeudi 15 août, le dossier a été jugé par un tribunal indépendant, spécialisé dans les affaires de sports. Ce dernier, innocente le joueur, considérant qu'en l'absence totale de faute et de négligence, il ne serait pas suspendu… Simona Halep et tant d’autres doivent apprécier. La négligence ne vient pas de lui, mais de son entourage coupable d’un amateurisme affligeant !
Les convives de Mémé Nanette auraient pu se charger à l’Ajax sans le savoir. Leur masse musculaire n’aurai pas bougé mais il y aurai eu la queue aux toilettes.
Flo-Jo Joyner et Lance Armstrong n’ont jamais été contrôlés positifs.
Pas la peine de s’abaisser à raconter des salades.
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