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Y A PAS DE SOT METIER


Dans la série C’était mieux avant, les moins jeunes se souviennent de cette époque bénie où vous pouviez faire trois plombes de queue à la sous-préfecture de Meaux. Et le tout sans téléphone portable pour vous épauler dans cette terrible épreuve. Jamais une salle d’attente n’a mieux porté son nom. Ses sièges confortables en plastique authentique, pour ceux qui avaient la chance d’en trouver, sa lumière blafarde et sa superbe machine à café : un lieu de vie comme on n’en fait plus !

Cartes grises, permis de conduire, cartes de séjour ou passeports, tout ce petit monde attendait joyeusement que son numéro fétiche s’affiche sur l’écran. Puis c’était le guichet promis, avec derrière sa vitre, un sémillant fonctionnaire qui vous recevait avec tous les égards dus à votre rang.


Sinon pour les drogues dures, il y a aussi la CAF ou la Corée du Nord…


A partir du XVIIIe, la révolution industrielle nous a fait basculer d’une société agraire et artisanale vers un système idéal où chacun de nous trouve sa place. Que vous soyez PDG de LVMH ou équarrisseur dans un abattoir, vous n’êtes que le maillon indispensable d’un engrenage qui fait tourner le monde. Dès la fin du XXe, une autre révolution, numérique celle-là, bouleverse notre vie. Plus besoin de mettre les mains dans le cambouis, le métavers est là qui repousse les frontières du réel.


En 2023, on peut absolument tout faire, le cul sur son canapé ; surtout si c’est un Poltronesofà !

Devenir multimillionnaire en pariant sur une victoire du Stade Rennais ou en tradant sur les marchés ouzbeks et kirghizes ; louer un manoir victorien sur Abritel ou changer son pare-brise chez Carglass, sans oublier « .fr », pour être sûr d’arriver chez eux. Un petit creux ? Un jeune auto-entrepreneur en scooter vous livrera une caisse de Pétrus avec votre pizza Margarita supplément champignons.


Mais le plus extraordinaire est administratif.

Il faut en moyenne deux mois pour obtenir un créneau à l’Etat Civil de votre Mairie !

Ça s’appelle le progrès dans l’attente.

Au lieu de poireauter trois heures avec de malheureux compagnons d’infortune, vous le faites huit semaines dans le confort douillet de votre F2 à Pontault-Combault. Il y a moins de sales mômes qui chialent, sauf si vous venez d’avoir des jumeaux.

Eh bien croyez-le, moyennant la modique somme de 30 balles, vous pouvez avoir un rendez-vous dans la semaine pour refaire votre carte d’identité ! Pour cela, il suffit d’avoir Snapchat ; tant pis pour Marcel qui n’a toujours pas réussi à télécharger l’appli sur son téléphone à clapet.

Les petits métiers ont la vie dure.

Dans le temps, le rémouleur ambulant passait dans la rue avec son chariot pour aiguiser vos couteaux. Si vous n’êtes pas végan, un cireur de rue peut toujours bichonner vos Weston dans quelque faubourg d’une grande métropole. Pour se faire astiquer le manche, c’est la même chose, mais sans cirage.


Certains profitent de la guerre pour s’enrichir; mais s’adapter à une situation nouvelle pour mettre un peu de beurre dans ses épinards n’est pas un scandale. Demandez à Total qui baigne dans un océan de matière grasse !

Pôle Emploi devient France Travail.

Si elle veut cartonner, cette nouvelle entité va devoir s’adapter et proposer autre chose qu’un stage dans une cimenterie ou une formation de thanatopracteur. Et pourtant, les PFG proposent un salaire de 1800 € net, des tickets restau et une remise de 10% sur l’enterrement de vos proches, 15% pour votre femme ou vos enfants.

Distribuer des pubs dans les boites aux lettres n’a plus le vent en poupe. Chaque file d’attente est une mine d’or qui s’ignore : le péage, la caisse, la pompe, la cantine… Quel business !

Le temps étant de l’argent, on peut envisager de se délester de quelques fafiots pour s’éviter de longues heures de stress. Et franchement, quand on voit la queue aux toilettes, payer 10 € le droit de ne pas chier dans son froc est un calcul à envisager. Pour les pauvres soupeurs, ça commence à faire cher la mouillette !


Il faut savoir vivre avec son temps et regarder les secteurs en tension, comme la petite enfance. Trouver une place en crèche est un parcours du combattant, sauf à lâcher 2000 € par mois chez Montessori. A l’autre bout de la chaîne, on manque de puéricultrices, ou d’auxiliaires. Pourquoi mettre les mains dans une couche quand on peut mettre ses doigts sur un clavier ?

Un peu d’audace et de savoir-faire, rien n’empêche un jeune ambitieux de réserver des dizaines de places dans toutes les crèches possibles de France et de les revendre à de pauvres parents qui n’attendent que ça.

Ça s’appelle un deal gagnant-gagnant : il y a plus de probabilités de vendre un cache-pot en PVC sur leboncoin qu’au vide-greniers du quartier.

Alors pour vos enfants…


Encore plus tendu, la santé !

Surtout avec tous ces jeunes retraités qui pètent le feu.

Un « conseiller Doctolib » peut gagner 20 € pour un détartrage ou un ongle incarné. C’est tout de suite plus onéreux pour une carie ou une blennorragie.

Il parait qu’une visite chez le proctologue se négocie autour de 300 €, sauf si on aime l’attente. Pour une greffe, c’est au moins un 0 de plus, et encore, si on n’est pas trop regardant sur la provenance des organes.


Heureusement pour nous, il reste un domaine sain, préservé de ces basses contingences mercantiles. A ce jour, même pour 250 000 €, il est impossible de retarder son rendez-vous avec la Grande Faucheuse.

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