Le capitaine Haddock a la langue bien pendue : moule à gaufres, Bachi-bouzouk, boit-sans-soif, crétin des Alpes…
Combien de couples s’écharpent avant de se réconcilier sur l’oreiller ?
Combien d’amis s’insultent avant de le faire sur le zinc d’un comptoir ?
Ceux qui osent dire que la politique est une tour d’ivoire n’y comprennent rien. Ce qui est possible dans Tintin ou dans la vraie vie l’est aussi chez ceux qui nous gouvernent : ballot, populiste, astre mort, complotiste, idiot utile…
Olivier Faure et Jean-Luc Mélenchon ne sont pas les meilleurs amis du monde politique. D’ailleurs ces mots doux sont les leurs, il est assez facile de deviner lequel a prononcé chacun d’eux : on pourrait en remplir des pages entières, des livres si on fait entrer Yannick et Fabien dans la danse.
« J’aimerais bien que les Français aient le choix entre deux projets à gauche. Et ma gauche est populaire et républicaine. C’est une gauche républicaine et laïque qui met au cœur de son combat la tranquillité de tous ».
Fabien Roussel n’a pas le même amour pour la Police : « J’ai fait le choix de dire que je respecte autant les institutions chargées de la sécurité que celles chargées de la justice… J’ai un discours fort là-dessus, qui n’est pas le même que celui qu’il tient ».
Le leader communiste insiste sur certains mots, comme si JLM était moins sensible que lui à la sécurité et la laïcité.
Les désaccords de Yannick Jadot avec LFI dépassent de loin le secteur de l’énergie : « Quand je défends la démocratie en France, je la défends en Russie, je la défends en Chine. Je n’ai pas d’hésitation sur le génocide des Ouïgours et je défends la démocratie en Amérique latine. La démocratie, c’est pas la démocratie dans un seul pays ».
Quatre fois le mot démocratie en 3 lignes, notre écolo soupçonnerait-il chez JLM une attirance pour des régimes plus musclés ?
Au soir du 1er tour des Présidentielles, alors qu’il vient mourir à 400 000 voix de sa chère Marine, notre insoumis émouvait la France entière en souhaitant à ses successeurs de faire mieux que lui ; même pas un léger regret concernant les 800 000 électeurs communistes …
Mais ce digne retrait de la vie politique sera de courte durée, plus bref encore que ceux de Valls ou Sarkozy. Deux semaines plus tard, inspiré par une cure de quinoa, il révolutionne les institutions de la 5e République : Jean-Luc ne sera pas Président, mais il sera Premier ministre ! C’est lui qui gouvernera, faisant de Manu un fantoche. Comme Chirac avec Mitterrand, puis Jospin avec Chirac. Une époque pas si lointaine où Méluche portait haut les couleurs du PS, une rose à la boutonnière…
Le coup de com est audacieux, avant même de trouver un accord avec ses amis de gauche, il fait placarder des centaines de milliers d’affiches : Mélenchon 1er ministre ! Au soir du 1er tour, les analystes de tout bord prévoient une débâcle de LREM, un échec relatif du RN et une vague du rassemblement populaire.
Grand soir ou soir de 2e tour ?
Coup de maître ou coup de génie, Sandrine Rousseau et d’autres membres de la coalition perdent tout sens de la mesure et de la précaution en venant parader à 20H sur les plateaux télé.
Le lendemain matin, c’est la gueule de bois.
Avec 141 sièges, le score de la NUPES est insuffisant pour prétendre diriger le pays. Avec 89 sièges, le score du RN est historique. Pire, il fait de lui le premier groupe d’opposition, devant les 79 de LFI. Le verre « à moitié vide » a rapidement redonné des ailes aux alliés qui reprennent leur liberté parlementaire. Le PS et le PC ont assez de députés pour avoir leur propre groupe : merci Jean-Luc !
Pour Olivier Faure, « Pas besoin de nous fondre dans un groupe unique pour obtenir gain de cause. Il n’est pas possible de revenir sur l’un des termes importants de l’accord qui maintient l’autonomie politique, financière et matérielle de chacun des groupes ».
Côté Fabien Roussel, « Je vois bien que l’alliance ne parle qu’à une partie de la France, à celle des grandes villes et pas à celle de la ruralité ».
C’est tout de suite moins lyrique que les envolées de notre grand tribun !
D’ailleurs, il n’est pas question pour les deux d’offrir un chèque en blanc pour la motion de censure que les insoumis dégaineront contre Elisabeth.
Et la droite dans tout ça ?
Avec 64 sièges, LR-UDI n’a pas connu l’effondrement prédit par beaucoup. Mais surtout, il suffit d’une simple addition pour comprendre : 64 + 245 = 309 , supérieur à 289.
Le bon score de la Nupes a privé Ensemble ! de majorité absolue. Quel paradoxe ! Voter à gauche va pousser le gouvernement à négocier des textes qui devront séduire la droite républicaine pour être adoptés, surtout que le Sénat n’est pas connu pour sa fibre sociale.
A moins que le gouvernement ne recherche une majorité d’opinion sur chaque texte qu’il proposera…
Ce n’est pas la première fois que le peuple gronde, le petit Jean-Luc aurait dû réviser son histoire de France.
En 68, les étudiants puis les ouvriers avaient foutu le bordel dans la France du Général. Les Accords de Grenelle avaient ratifié de grandes avancées sociales, mais De Gaulle était sorti largement vainqueur des élections suivantes.
En 36, le Front populaire avait gouverné avec au Parlement, une coalition PS-PC-Radicaux. De sévères grèves générales avaient débouché sur les Accords de Matignon, restés célèbres avec les 40 heures, les congés payés et de substantielles augmentations de salaire. L’aventure ne durera qu’un an, la compromission avec l’Allemagne et la peur du bolchévisme précipiteront sa fin.
L’esprit de trahison de 39 se profile :
« Plutôt Hitler que le Front populaire ».
Quand le peuple gronde la réaction ne tarde jamais…
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