« J’y pense parfois le matin en me rasant ».
Contrairement à ce que dit la vox populi, cette réplique culte n’est pas de Sarkozy, mais de Laurent Fabius, en réponse à des journalistes qui lui demandent en octobre 2003 s’il pensait à l’Elysée.
L’agité du karcher la fera sienne quelques semaines plus tard quand Alain Duhamel lui demandera : « Quand vous vous rasez le matin (…) est-ce qu’il vous arrive à ce moment-là de penser à l’élection présidentielle ?
Nicolas lui avait répondu :
« Pas simplement quand je me rase. »
C’est dire si c’est une longue histoire entre le gnome de Neuilly et son miroir. Comme dans Blanche-Neige.
Le conte commence en 1975, quand l’étudiant en droit croise la route de Chirac, dès la création du RPR. Secrétaire de section, conseiller municipal puis maire de Neuilly, conseiller régional, le jeune loup gravit tous les échelons de la vie publique jusqu’à devenir ministre du budget du gouvernement Balladur en 93.
Après deux septennats socialistes, les Présidentielles de 95 se profilent. Le grand Jacques est en chute libre, à l’inverse d’Edouard qui caracole en tête des sondages. Dans ces moments de grande solitude, on peut heureusement compter sur ses amis les plus chers.
Après deux décennies d’amitié, Sarkozy lui fournira la plus belle des preuves de fidélité : il se ralliera à Balladur !
Un acte de pur courage politique, totalement désintéressé. Du romantisme comme on en fait plus guère depuis le XIXe.
Autant dire que le Président Chirac ne se privera pas de savonner la planche du meilleur ami de sa femme Bernadette. Après une randonnée de quatre ans dans le désert, il prend une telle rouste aux européennes de 99 qu’il doit démissionner de la présidence du RPR. Son orgueil et sa droiture lui guident de se retirer de la vie politique.
Après une rentrée littéraire en 2001, il soutient Chirac avec autant de courage que de fierté, et sans rien attendre en retour. La preuve, il ne sera même pas premier ministre, mais héritera juste du portefeuille de l’intérieur. Il y gagnera une popularité qui finira par l’envoyer lui aussi à l’Elysée.
Son ami de trente ans n’aura rien pu faire pour le priver de la consécration suprême. Il savourera quand-même sa revanche quand, en 2012, il apporte un soutien à peine voilé à François Hollande.
L’ancien avocat d’affaires se retire de la vie politique après les élections.
En lançant le « Sarkoton », Jean-François Copé lave l’honneur de l’ex-candidat en recueillant 11 millions de dons privés : juste de quoi rembourser un léger dépassement des comptes de campagne.
En 2014, il prend la présidence de l’UMP, avant d’annoncer sa candidature aux primaires des républicains en 2016. Devancé par Juppé et Fillon, il déclare avec lyrisme :
« Il est temps pour moi d’aborder une vie avec plus de passions privées et moins de passion publique ».
Quelle classe dans la défaite !
Cette fois-ci c’est la bonne, Nico pourra enfin aller au bistrot, jouer à la belotte avec ses potes. Entre jogging, pétanque et parties de pêche, il trouve assez de temps pour s’adonner à ses deux vraies passions, le PSG et les tribunaux. De temps en temps, il s’accorde une petite conférence à 50000 € minimum : la vie est chère à Neuilly, surtout avec une maigre retraite. Toujours cette fierté qui lui interdit de demander de l’artiche à celle qui désormais partage son cassoulet.
Un tel parcours ne peut qu’inspirer le respect.
Au-delà de son palmarès politique, des plus hautes fonctions occupées, Nico est encore une sorte de guide pour tous les électeurs de droite. Celui qui montre la voie et qui reste une source d’inspiration pour tous les membres de sa famille politique. Malgré les embuches et les défaites, il a su garder le cap. Il est resté digne en toutes circonstances.
Un homme devenu sage, débarrassé de toute ambition ou passion destructrice. Quelqu’un qui a enfin décidé de rendre à sa famille, ce qu’elle lui avait donné.
Valérie en fait partie.
D’abord, elle est née à … Neuilly.
Elle a été conseillère de Chirac, ministre de Fillon pendant cinq ans, et depuis 2015, elle préside la région Ile-de-France.
Au moment d’escalader l’Elysée, on pensait que le soutien du padre allait lui donner des ailes. Mais dans la droite lignée de sa carrière politique, Sarkozy a fait preuve d’un courage remarquable.
Ni bénédiction, ni baiser de Juda, Nicolas fait pire, il se tait.
Lui qui n’a jamais pu s’empêcher de l’ouvrir à la moindre occasion.
En 2003, il se rasait devant son miroir : il a entendu une voix qui lui répondait qu’il était le plus beau. Jusqu’en 2016, elle lui a même fait croire qu’il pouvait redevenir président.
Mais la vie n’est pas toujours un conte de Grimm.
On se demande comment après tant de traitrises, il est possible de se regarder dans une glace. Quant à la petite voix, elle pourrait bien revenir d’ici quelques années. Derrière lui. Celle de son compagnon de cellule, trop heureux de faire la sieste avec un ancien président.
- Tu te rappelles !
- Quoi ?
- Le karcher !
- Casse-toi pauvre con !
Une amitié carcérale vigoureuse, sans guitare, sans petite voix pour lui chanter une berceuse.
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