RUMBLE IN THE CHATRIER
- Admin
- 17 juin
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Ali bomaye !
Le 30 octobre 1974 à Kinshasa, Mobutu, célèbre démocrate, veille jusqu’à 4H00 du mat dans la moiteur torride de la nuit congolaise avec 100000 chanceux. Ils assistent au combat du siècle, The Rumble in the Jungle, durant lequel Ali se fait matraquer dans les cordes pendant cinq rounds par le démolisseur champion du monde. Au troisième, The Greatest tombe sur son adversaire et lui crie :
- C’est tout ce que t’as Georges, montre-moi quelque chose !
- Oui, c’est à peu près tout.
Des années plus tard, Big Georges dira :
- J’ai su à ce moment que j’étais au mauvais endroit et au mauvais moment.
Exténué, Foreman se fait cueillir au huitième par un direct du droit. Il tombe, lutte contre la gravité et se relève… une seconde trop tard. 10 ans après, Mohamed Ali retrouve sa ceinture.
Vamos Carlos.
Le 8 juin 2025 à Villiers-sur-Marne, Nicolas C. lutte courageusement contre la sieste sur son canapé Poltrone Sofa pour assister à la finale de Roland-Garros. Pendant plus de dix ans, un bûcheron espagnol a ensuqué le public et tabassé ses pairs avec son fameux coup droit lasso, sauf Benoît qui ne l’a jamais rencontré. Les chiffres donnent le tournis: 14 titres, 112 victoires, 4 défaites, 37 sets perdus, 333 gagnés, 128 647 tripotages de couilles, 131 456 pour le fion… on peut se poser de réelles questions sur les préférences sexuelles de ce Monsieur.
En ce beau dimanche de Pentecôte, Sinner rame pour décrocher son premier jeu. On pense qu’Alcaraz va lui marcher dessus, mais c’est le contraire qui se produit. Le récital est incroyable, c’est un Djokovic 3.0 qui fait face à l’Espagnol : plus rapide, glissant sur la terre comme un patineur d’ Holiday On Ice, d’une adresse remarquable au filet, c’est surtout la qualité de sa frappe qui impressionne. Campé sur sa ligne, Yannick joue tout en demi-volée. Le bruit est sec, irréel, la balle sort à une vitesse incroyable et accule son adversaire dans les cordes. L’ Italien enquille les coups droits gagnant croisés en bout de glissade, comme jadis Nadal les banana shots long de ligne. Si on ajoute les revers droit devant… 6-3, 7-6 en deux heures… Agassi et Lendl l’avaient fait, mais remonter deux sets à ce Sinner tiendrait du miracle… Spike Lee est au bord de l’AVC.
Depuis un moment, on sait tous que le Murcien n’est pas une lavette. Il revient en courant à chaque changement de côté, il ne quittera pas le court sans s’être battu comme un lion. Une heure plus tard, à 6-4, on se dit que le vent a tourné: Juan-Carlos a la queue qui frétille, Spike la mâchoire qui se desserre.
Mais Poil de carotte ressort sa matraque et punit Carlito. 45 minutes après, 5-3 / 0-40, il s’offre trois balles de titre au retour. Une faute provoquée, un retour pourri sur une deuxième à 144 et un vilain basduf réveillent le gladiateur qui enchaîne deux gros coups gagnants, 5-4. Encore faut-il débreaker pour rester en vie, c’est juste l’affaire de trois nouveaux coups gagnants, il suffisait de le demander. Rien de tel qu’un bon vieux jeu décisif pour décider si l’aventure doit continuer ... Mené 2-0, Carlos sort la kalach et inflige un 7-1 au géant vert. Spike sourirait presque, comme Bruce dans Le Jeu de la mort.
Remember Ali… dans les cordes pendant deux heures, l’Espagnol refait surface, domine, l’Italien vacille pas très loin du KO. Ce que Big Georges n’avait pas réussi, Sinner va le faire sous les yeux d’un Spike hilare, persuadé qu’à 3-1, la messe est dite. Au bord des crampes, il encaisse des rafales de parpaings et d’amortis mais s’accroche comme un morpion des Pouilles, bien connu pour sa ténacité. Les come-back historiques de Lendl ou Agassi furent grandioses, mais monolithiques. Une fois dans la nasse, McEnroe et Medvedev, Andrei pas Daniil, n’avaient pas refait surface dans une lente agonie vers l’échafaud.
A 3-1, le placide Tyrolien se révolte et trouve la force de ne pas sombrer. Même s’il s’accroche , il semble mal embarqué quand son rival sert à 5-4. Mais certains points changent le cours de l’histoire. A 15-30, alors qu’il an encaissé une demi-douzaine d’amortis gagnants, il s’arrache comme un dingue pour un génial contre-amorti qui fait mouche. A 5 partout, il galère sur son service mais reprend la tête 6-5, pas grand monde n’aimerait prendre la place de Carlos au moment de servir. Un léger voile dans les yeux, ça doit s’appeler le doute : combien auraient sombré ? A 40 égal, il sort deux coups géniaux pour s’offrir un super tie-break qu’il va survoler, l’avion de chasse est de retour. Yannick en gagnera beaucoup d’autres, c’est sûr, mais pas celui-là.
Pas facile de passer après le Big 3. C’est miraculeux, comme si Carlos avait en lui les armes de ses glorieux aînés. Une bande de jeunes à lui tout seul, ce gars est une arme de dissuasion contre la morosité. Son large sourire et sa bonhomie irradient tout ce qu’il touche, on aimerait tellement l’avoir pour ami.
Roger tutoyait le divin, Carlos renverse des montagnes. Il n’est pas sur terre pour jouer au tennis mais pour vaincre la guerre, le cancer et la connerie des hommes…
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