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MASSACRE A LA TONDEUSE

  • Photo du rédacteur: Admin
    Admin
  • 13 mai
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 15 mai


L’usage de la tondeuse à gazon est fortement déconseillé pour le maillot, même quand le foin déborde de la charrette. Ou alors, vous n’avez rien contre une excision surprise. Pour un doigt de pied, il suffit de tondre sa pelouse pieds nus ou en claquettes. Mais s’il est quelqu’un qui n’est pas fan de la Bosh Rotak 1200 W, c’est bien la Testudo Hermanni, communément appelée tortue d’Hermann…


Les seniors survivants se souviennent peut être entre deux crises de démence sénile de Chantal Goya, du Club Dorothée et d’un humoriste au masque de cuir qui dépeçait ses victimes vivantes avec sa tronçonneuse. Un filon exploité pendant près de 50 ans avec pas moins de 9 films au compteur. Il arrive un moment où il faut se renouveler si on respecte son public: voici je l’espère, une fois n’est pas coutume, de quoi poser les bases d’un remake à la française.  


Une tortue, c’est la préhistoire dans votre salon. En moins encombrant que le varan de Komodo… et à peine moins dangereux. Un animal domestique n’est pas un jouet, il nécessite un engagement sur des années, voir une bonne décennie. Il parait que la tortue d’Hermann peut vivre un siècle, largement de quoi enterrer vos parents, votre femme… et vous-même !  


Une petite boule de corne est entrée dans ma vie. L’incarnation du mouvement perpétuel: gratter, escalader, faire du tobogan, se cacher, se baigner, dévorer des montagnes de salade, La Fontaine n’avait pas tort, le lièvre est un fanfaron vif comme l’éclair qui arpente la garenne, finit souvent en civet quand la tortue se « hâte avec lenteur ». Leur existence paisible est devenue essentielle et centrale. De nous deux, qui observait l’autre ?

Le salon est devenu un terrarium avec une télé, un canapé et des grues en forme de mains qui régulièrement entraient et sortaient, déposaient des radis, des tomates ou du raisin. Parfois, elles m’exfiltrait, m’approchait de cette gigantesque tête sans bec avant de me reposer chez moi, comme ça, bêtement sans raison.

En trois ans, je suis devenue aussi grande que ces pinces de chair et d’os et un jour, je suis sortie. Fini cette pauvre lampe, à moi les chauds rayons du soleil, l’herbe verte et le souffle du vent. Autour de moi, tout avait changé, des fleurs, des arbustes jusqu’à de l’eau qui pouvait tomber du ciel, quelques secondes ou quelques jours. Régulièrement, un autre être singulier me rendait visite et venait me renifler. Avec ses quatre pattes, sa queue immense et des poils partout, je l’aimais bien même s’il ne m’apportait jamais à manger. Puis les rigueurs de l’hiver qui s’annonçait m’ont poussé à me creuser un abri bien douillet où j’ai pu faire une longue sieste. Le temps qui passe immuable, le printemps qui réchauffe les cœurs, l’histoire éternelle des saisons qui s’en vont et qui reviennent, on pourrait presque en faire une chanson…

 

Mais revenons un peu à notre remake. Moins spectaculaire que son homologue américain, le cinéma français ne rechigne jamais à une dose d’intime et de quotidien. Un film d’horreur ça doit charcler, mais pas sans se pencher un peu sur le contexte social et psychologique des personnages. Au final, ça permettrait presque de franchir un cap dans le sordide. Plutôt que débarquer n’importe où et massacrer n’importe qui, on imagine un père de famille tranquille qui élève ses enfants avec amour pendant des années. C’est un peu fastidieux pour le spectateur assoiffé de sang: imaginez un porno où on ne voit pas un nibard les trente premières minutes et où il faut poireauter une heure pour la première cartouche. Par contre, c’est peut-être plus efficace.


Le gars aime ses enfants, ça se voit. Non seulement il les nourrit, les câline et joue avec eux mais il partage leurs peines et leurs joies. Un jour, il réveille sa fille en douceur, lui prépare un brunch copieux et l’embrasse tendrement en lui disant « je t’aime» au moment de partir au collège. La porte à peine refermée, il va au garage et démarre son puissant 4X4. Il sort au ralenti, tourne doucement à gauche, à droite. D’un coup il écrase le champignon, le Bigster passe de 0 à 100 en moins de 4 secondes selon Dacia. Autant dire que c’est une boucherie quand il percute à pleine vitesse l’abribus où attend sa gamine. Méticuleux, il repasse trois fois pour achever ceux qui gémissent sur le bitume ensanglanté. A peine rentré chez lui, il file dans la cabane pour bricoler. Une heure plus tard, son fils entre lui faire un bisou.

 

- Bonjour Pa !

- Salut mon chéri.

- Tu fais quoi ?

- Je perce quelques trous.

 

Sans raison palpable, il se jette sur son môme et lui perfore 17 fois le crâne à coup de perceuse. Si sa femme ne l’avait pas quitté il y a 6 ans, il lui aurait certainement collé la tête dix minutes dans le four à 210°. L’intérêt de l’intrigue ne réside pas dans la sauvagerie des scènes mais dans cette bascule d’un quotidien paisible à l’horreur absolue. C’est surtout la question que se pose le téléspectateur captivé qui interpelle. Un criminel qui étripe des inconnus ou des personnes typées, c’est classique. Un psychopathe dormant torturé pendant des années par son entourage avant d’exploser, c’est crédible. Mais un citoyen sans histoire qui massacre celui ou celle à qui il donne beaucoup d’amour depuis longtemps est plus étrange.

Rebelle incorrigible, j’aurais mieux fait de respecter le Code des collectivités territoriales qui interdit formellement la tonte le dimanche. Un peu pour les voisins… surtout pour ma tortue qui a moyennement apprécié sa rencontre avec la Bosh Rotak 1200 W.


Putain de tondeuse.

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