LES VŒUX

Alors que tous les lycéens se paluchent à la première occasion, un audacieux Picard se tape sa prof de français. Quelques années plus tard, le gars jongle avec les patates tandis que ses congénères galèrent pour s’offrir une Twingo à crédit…

Forcément ambitieux, Manu le deviendra pour son pays.

Il tord le cou à toutes les conventions et met un bon coup de latte dans la fourmilière. Après un président Flanby, un guide d’un nouveau genre galvanise ses troupes et nous montre la voie. La « Révolution » est « En Marche! », une bouffée de lyrisme va souffler sur la France !

« Moi, je le porterai dans la durée, je le porterai jusqu’au bout. Mais maintenant, votre responsabilité c’est d’aller partout en France pour le porter et pour gagner. Ce que je veux c’est que vous, partout, vous alliez le faire gagner parce que c’est notre projet. Vive la République ! Vive la France ! »

Après la victoire des urnes…

« Ce ne sera pas tous les jours facile, je le sais, la tâche sera dure. Je vous servirai avec humilité, avec force. Je vous servirai au nom de notre devise : Liberté.Égalité.Fraternité. (…) Je tiens à remercier toutes celles et ceux qui m’ont aidé, avec loyauté et sans autre arrière-pensée que celle de servir notre pays… au premier rang desquels on trouve mon cher Alexandre, intangible compagnon de route des bons comme des mauvais jours… les douches froides comme les chaudes, douces pauses dans le tumulte de la vie… Mais je m’égare chers compatriotes, une société responsable doit se donner les moyens de plus de justice sociale. Camarades, l’ISF est une impôt inacceptable qui ne prive pas seulement les nantis de quelques bijoux de famille. Sous couvert d’équité, le peuple se refuse les bénéfices du ruissellement qui goutte après goutte, l’inonde de sa douce chaleur. Croyez-moi bande d’abrutis, quand les riches se gavent, ces larmes se font torrent .

Quant aux feignasses qui m’écoutent en peignoir, affalés sur leur canapé Ikea, sachez que Poltronesofa fait des soldes. En 10 fois sans frais, vous pouvez facilement vous l’acheter, même avec un RSA.

Je décrète l’assistanat obsolète, ce quinquennat sera dédié à la réhabilitation de la valeur travail. Se lever le matin, faire 1H40 dans les bouchons pour s’épanouir dans une cimenterie doit rapporter bien plus que ces indemnités et autres aides sociales qui nous gangrènent. Le Code du Travail est un obscur labyrinthe de dizaines de milliers de pages que nous simplifierons. Il faut libérer l’accès à l’emploi et redonner l’envie à nos entrepreneurs d’embaucher sans contrainte.

Mais si on veut enfin rétablir un ascenseur social en panne depuis si longtemps, il est temps mes amis de miser sur la jeunesse de ce pays ; dans nos campagnes comme dans nos banlieues. Les forces vives de la Nation croupissent dans les halls d’immeubles : entre foot et cannabis, rap et MMA leur cœur balance, alors que tant de jeunes issus de la diversité ne demandent qu’à intégrer HEC. C’est pourquoi j’ai pris la décision de limiter le nombre d’élèves à 12 par classe en CP dans les quartiers défavorisés. Dans les territoires ruraux récalcitrants au réarmement démographique, les classes en sous-effectifs fermeront, jusqu’à des écoles s’il le faut. Ça apprendra à ces bouseux à préférer leur chèvre à leur femme… »

Des gilets jaunes et une pandémie plus tard…

« Chers compatriotes n’ayez crainte, je veille sur vous tel le père que tant d’entre vous n’ont jamais eu. Aucun Français ne restera sur le carreau, quoiqu’il en coûte…

Vous n’êtes pas sans savoir que sauf si votre pancréas s’en mêle, l’espérance de vie s’est fortement allongée. La retraite est devenu un long tunnel au bout duquel on peine à voir la lumière. Pour la sécuriser il faut prendre quelques décisions qui fâchent, comme par exemple l’allongement de la durée de cotisation. »

Des élections, une dissolution et d’autres élections après…

« Ensemble cette année, nous avons prouvé qu'impossible n'était pas français (…) Nos Jeux Olympiques et Paralympiques, oui, sont et resteront un moment inoubliable de la vie de la Nation (…) Si j’ai décidé de dissoudre c’était pour vous redonner la parole, pour retrouver de la clarté et éviter l’immobilisme qui menaçait. Mais la lucidité et l’humilité commandent de reconnaître qu’à cette heure, cette décision a produit plus d’instabilité que de sérénité et j’en prends toute ma part. »

Devant l’incapacité de convaincre quiconque de venir s’installer à Matignon, dans un modeste hôtel particulier, il écume les EPADH pour trouver un 1er ministre…

« En ce mois de décembre 2024, comme nous l'avions promis, nous avons rendu au culte et rouvert au public Notre-Dame de Paris. Cinq ans après l'incendie de 2019, Notre-Dame rebâtie demeure le symbole de notre volonté française. Jour après jour, centimètre après centimètre, l’obscurantisme gagne du terrain. Dans ce chaos, la France se doit de rester cette lumière qui depuis des siècles éclaire le monde. Viollet-le-Duc n’est qu’un architecte gothique totalement dépassé, la terre entière s’émerveillera devant ces vitraux neufs, chefs-d’œuvre d’Art contemporain.

Brigitte, prof de français à la retraite depuis une bonne dizaine d’années, n’apprécie guère l’outrecuidance de son ancien élève…

- Comment pouvez-vous balayer ainsi des siècles d’histoire ?

- Mais mon chaton !

- Mme Trogneux, un peu de respect s’il vous plaît !

- Ma mie…

- Ça suffit Macron, vous allez immédiatement appeler Stéphane pour lui dire que vous ne toucherez pas aux vitraux originaux !

- Heu… oui Brigitte.

- Madame je vous prie !

- Oui Madame.

- Très bien !

- Pour fêter ça, ce soir je me mets aux fourneaux…

- Et qu’allez-vous donc nous préparer ?

- Des nuggets Le Gaulois.

- Enfin mon cher, vous savez bien que je préfère mille fois les Père Dodu !

Je souris parce que toutes les fois que nous touchons au sujet de ce livre qu’il écrira un jour , les choses prennent un tour incongru… Il faut que le livre soit absolument original, absolument parfait. C’est pourquoi, entre autres raisons, il lui est impossible de le mettre en train. Dès qu’il a une idée, il se met à la contester… Ainsi donc, au lieu de s’attaquer à son livre, il lit auteur après auteur afin d’être absolument sûr qu’il ne va pas fouler leurs plates-bandes. Et plus il lit, plus il cède au mépris. Il n’en est point de satisfaisant, point qui atteigne ce degré de perfection qu’il s’est imposé.(1)

1- Henri Miller, Tropique du Cancer