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LE GITAN ET LE BOMBARDIER


Il était une fois un petit gars prénommé Deontay.

Il voit le jour en 1985 dans une famille tranquille de Tuscaloosa. Malgré deux parents aimants, ce chenapan est un bagarreur qui fera le bonheur des dentistes de cette charmante bourgade d’Alabama.

Après une scolarité sans histoire, il se destine à entrer à l’université. Il se marie et donne naissance à sa fille Naieya, handicapée.

A 19 ans, finis les bancs de l’école, à lui les rings de boxe : dans un pays qui ne brille guère par sa protection sociale, il choisit poires et patates pour mettre du beurre dans les épinards.

Il se lance dans la boxe amateure en 2005, décroche le bronze aux JO de Séoul, passe professionnel et devient champion du monde en 2015.

Adepte du trash-talking, il déclare souvent vouloir tuer ses adversaires et débute ses combats en faisant mine d’armer son gun.

Mais la plupart du temps, ce tatoué de 2m01 joint le geste à la parole.

Sa droite foudroyante enverra 41 de ses 42 camarades de ring au tapis !

Un ratio de KO incroyable, le meilleur de l’histoire des lourds, mieux qu’Iron Mike, qui pourtant ne faisait pas dans la dentelle de Calais.


Trois années après Deontay, le petit Fury voit le jour de l’autre côté de l’Atlantique dans une famille de gitans irlandais. Son père John, boxeur professionnel, passera 11 années dans les geôles torrides de Belfast. Il prénomme son fils Tyson, en hommage à qui vous savez.

120 kilos plus tard, le prématuré de 500 g deviendra champion du monde des lourds !

Lui aussi passe pro en 2008, et en 2015, il détrône Klitchko invaincu depuis neuf ans à l’issue d’un combat d’une rare intelligence, durant lequel il donne la leçon à l’Ukrainien.

Le descendant du roi des gitans est maintenant roi du monde !

Le moment qu’il choisit pour s’offrir un aller en enfer.

Il refuse d’affronter son challenger officiel, perd ses trois ceintures mondiales et signe une revanche contre Klitchko.

En 2016, à 28 ans, après un contrôle positif à la cocaïne, il décide de mettre un terme à sa carrière.

Alcool, drogue, dépression et tentative de suicide, le géant de 2m06 atteint même les 180 kilos sur la balance. Il est au fond du trou et continue de s’enfoncer…


Parfois, la vie ne tient qu’à un fil.

Un coup de fil.

Celui du seul acteur du monde de la boxe à prendre de ses nouvelles dans cette tourmente : Deontay Wilder, qui a la classe de lui demander ce qu’il peut faire pour l’aider !

Tyson lui répond que la plus belle chose qu’il pourrait lui offrir serait d’accepter de le boxer.

Et le plus fou dans cette histoire, c’est que l’Américain a accepté !

Alors qu’il a tout à perdre dans ce combat, en particulier la promesse d’un match contre Joshua pour lequel il se doit d’être champion en titre.


Deux ans après avoir annoncé sa retraite, il se lance dans un improbable come-back, perdant 60 kilos avec un coach célèbre nommé Jésus Christ.

Affronter un bombardier de bronze sur vitaminé est un pari risqué après une si longue période d’errance.

Mais l’homme est burné, intelligent et croit en lui.

C’est un boxeur surdoué et rapide, avec un coup d’œil et un jeu défensif hors du commun.

Trois combats plus tard, on parle de trilogie historique, certains la comparant à Frazier/Ali.

Difficile de la qualifier à chaud, laissons un peu le temps faire son office.

Deux victoires par KO, 7e et 11e, un nul et quatre voyages au tapis, avec le deuxième dont on se demande encore comment il a pu se relever. Alors qu’il domine largement au 12e round du match 1, il encaisse une droite qui aurait assommé un buffle.

Mais pas lui !

Cette trilogie a tout pour plaire.

L’opposition de style entre un puncheur absolu capable de renverser une situation des plus compromise et un génie du ring.

Des matchs qui sentent la poudre, des entrées grandiloquentes sur le ring, des pesées pesantes, des mots, des chants…, tous les ingrédients étaient là pour qu’on ne s’ennuie pas une seconde.


Et Deontay dans tout ça ?

Le soi-disant psychopathe est en réalité un saint homme.

Non seulement il boxe pour sa fille chérie, mais en plus, il a sorti Fury du caniveau en étant le seul à lui donner sa chance.

Au risque de tout perdre.

Et il a perdu ses titres, même s’il a engrangé quelques millions.

Sa fierté, sa rage et son courage dépassent l’entendement.

Sauvage et incommensurable !

Beaucoup voient une certaine beauté dans cette dramaturgie, mais la vraie vie n’est pas un film de Rocky où Stallone encaisse 96 coups d’Yvan Drago avant de le mettre KO.

Et de mettre une cartouche à Adrienne en rentrant à la maison.

Là, les yeux de Wilder étaient vitreux à partir du 4e, lucarnes d’un cerveau qui ne devait pas tourner bien rond.

Un veau dans la luzerne.

Une boucherie inutile, avec une quinzaine de coups de trop, des KO comme s’il en pleuvait.

Des coups de massue.

Des coups de semonce.

Comme si un rugbyman enchaînait 15 commotions dans le même match, alors qu’il doit sortir à la première et observer trois semaines de repos.

Steve Thomson, ancien capitaine du 15 de la Rose ne se souvient pas qu’il a été champion du monde en 2003.

A 42 ans, il souffre de démence précoce !

Des dizaines de footballeurs US vivent comme des légumes ou mangent des pissenlits.

Mohamed Ali, The Greatest …


Pauvre pêcheur repenti, Tyson Fury dédie aujourd’hui sa vie et ses victoires à Jésus.

Gageons qu’il s’accorde une prière pour lui demander de prendre soin du bombardier de bronze.

Celui qui lui a sauvé la vie.

Et qui ne mérite pas de finir la sienne au service neurologique d’une clinique américaine.


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