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IELS SONT DEVENU.E.S FO.U.LLE.S


Après plus d’une heure de pur bonheur dans les transports, Linda est plutôt bouillie quand elle pousse sa porte d’entrée. Ça ira mieux quand elle se sera trouvé un petit nid douillet cité Paul Langevin à Villetaneuse, à deux pas du Collège Jean Vilar où elle a le bonheur d’enseigner.

Quand on a le moral dans les chaussettes, rien ne vaut un ptit mot sur l’ENT, la messagerie professionnelle du monde enseignant, pour le lui remonter :


Bonjour Madame Benamar,


Lors du Brevet Blanc, vous avez mis 11/20 à ma fille, qui pourtant avait révisé toute la nuit. Asthmatique, épileptique, anorexique et dépressive, elle ne se sentait pas au mieux le jour de l’épreuve, mais elle a fait l’effort de venir malgré le décès de son cochon d’inde l’année dernière…

Mon oncle, maître de conférence au commissariat de Villetaneuse a vu sa copie qui, selon lui, mérite au moins 15.

Etant cousine au deuxième degré par alliance de la voisine du plombier de la mère du Garde des Sceaux, je vous signale que sans modification de votre part, je n’hésiterai pas à porter plainte contre vous.


Cordialement,

Mme Dupuis




Sandrine, une de ses colocs, est également prof de Français. Elle arrondit ses fins de mois comme traductrice ; elle a notamment transcrit l’intégralité de l’œuvre de J.-J. Rousseau en écriture inclusive.


- Tu as l’air claquée !

- Comme d’hab ; mais surtout, il y a une mère qui me harcèle sur l’ENT : j’te montre ça.

- … C’est n’importe quoi !

- Pour qui se prend-elle ?

- Surtout, elle valide les inégalités de genre que la langue française véhicule.

- Je voyais plus la remise en cause de ma probité professionnelle.

- En plus, se permettre de l’écrire dans la messagerie de l’Ecole de la République, c’est proprement scandaleux ! Ces inégalités de langage infériorisent la moitié de la population.

- Et comment rétablir de l’égalité entre les deux genres ?

- Je lui ferais cette réponse :


Bonjour Mondame,


Je ne doute pas que votre fils.lle soit méritant.e.

Néanmoins, le contenu de sa copie ne vaut guère plus que la moyenne.


Cordialement,

Linda Benamar, professeur.e de français.e

Camille, autre coloc de cette auberge espagnole, vient s’incruster dans la discussion.


- Ce qu’écrit cette personne est une oppression.

- Contre les femmes ?

- Non, contre ce qui n’est pas nommé.

- ???

- La langue reflète une vision du monde. En français, le genre masculin est représentatif de toute personne humaine, les autres sont invisibilisés.

- Et concrètement ?

- A l’ancienne, on disait « bonjour à tous », puis « bonjour à toutes et à tous », avant d’arriver à « bonjour à toustes ».

- Vive l’inclusion !

- Eh non, ça ne suffit plus, aujourd’hui il faut dire « bonjour à touxtes »

- Le fameux « x » non binaire ?

- C’est ça.


Puis c’est au tour de Ramatoulaye d’entrer dans la ronde.


- Salut Rama, ne me dis pas que toi aussi…

- Déjà, je trouve limite de commencer par « Mme Benamar » !

- Mais pourquoi? c’est mon nom.

- On sait très bien que certains patronymes à consonance africaine n’ont pas trop la cote.

- C’est pour ça qu’on anonymise les CV.

- C’est moins discriminant.

- Mais ce n’est qu’un message ENT !

- Et le brevet qu’elle cite ?

- Oui, et alors ?

- Il est blanc. Si ça c'est pas raciste ! On devrait dire brevet d’entraînement…


Le débat fait rage entre ces quatre femmes, tant chacune défend son bout de gras. Mais ce n’est pas tout, que dirait quelqu’un de dyslexique ou de dysphasique ? Invisibiliser 0,2% des Français trans est certes une discrimination, mais que dire des 6-7% de dys ? Et les 200 000 aveugles ?

Avant que le cas d’un trans noir, aveugle et dys ne s’y invite, un coup de sonnette strident vient stopper la discussion.

Une créature verte, humanoïde avec une antenne fait son entrée dans la pièce du même nom.


- Oh vous avez vu les filles, un télétubbie !

- C’est plutôt un Martien.

- Je crois qu’il veut nous parler.

- Tibili gazeu gpis lala wjkleixsnbci…

- Quoi ?

- Gabkdlxicekszlje.

- Vous croyez qu’il parle dans sa langue ?

- Je ne sais pas, en tout cas, il n’invisibilise personne.

- Mais le but d’un langage n’est-il pas de communiquer ?

- Ni oppression ni discrimination.

- Pas de jaloux, personne ne capte.


La morale de cette fable est qu’à trop inclure, on finit par exclure.

Madame Dupuis est une crétine. Nul besoin de neutralité ou d’inclusion, le nom existe dans les deux genres.

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