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« ENTARTONS, ENTARTONS LES MINISTRES BOUFFONS ! »



Ces mots n’ont pas été prononcés dans le Loiret.

Nous sommes en 95 au festival de Cannes, Noël Gaudin et ses complices viennent d’entarter Philippe Douste-Blazy.

Le ministre de la Culture porte plainte mais le Gloupier, de son nom de scène, sera relaxé.

Sa carrière d’expert en jet de tarte à la crème sur des personnalités jugées trop vaniteuses a officiellement débuté en 1969, avec Marguerite Duras venue présenter son film à l’université de Louvain.


La liste de ses cibles est plutôt fournie : Béjart, Godard, PPDA, Bruel, Doc Gyneco, Castaldi, Elkabbach et bien d’autres seront victimes d’odieux attentats … Sa renommée va franchir les frontières après l’entartage de Bill Gates en 98 à Bruxelles. Une Internationale pâtissière va voir le jour, aux Pays-Bas, aux USA et au Canada.


Un peu d’humour et de surréalisme belge dans ce monde de brutes ne peut pas faire trop de mal. Le célèbre Entarteur rêvait de se payer Macron et tous les candidats aux dernières Présidentielles, afin « d’entarter le principe même de la politique manipulatrice ». Après Douste, l’humoriste belge et ses troupes se sont offert deux autres politiques.

En 97, Sarkozy se fait entarter trois fois de suite à Bruxelles au son de « Entartons, entartons les arrogants étrons ! ».

En 2002, Chevènement obtient la condamnation de Noël Godin à une amende de 800 €, pour « violences volontaires avec préméditation », plus un euro symbolique pour le plaignant. Il vient personnellement à l’audience montrer qu’il n’a rien d’un petit plaisantin. Il y déclare que « l’homme public n’a d’autre capital que son image » et que « quand on substitue le jet de projectiles à l’échange verbal, c’est une attaque contre la démocratie ».

Quelle dignité ! Quelle emphase ! On prend de la hauteur, bien loin de la simple blague de potache. Pourtant, JP fait rire tout le monde en soutenant que la tarte à la crème est une « arme par destination ». Insensible à son humour, le tribunal ne retiendra pas cette qualification.

Dans le banc des accusés, Noël Godin a déclaré avoir entrepris une « croisade pâtissière en hommage à Alphonse Allais, contre des personnalités qui se prennent très, très, très au sérieux ».


Et si on devait n’en retenir qu’un côté vanité, c'est bien BHL.

Il faut l’avoir vu sur le plateau d’Apostrophes pour bien comprendre l’importance de cet immense philosophe. Mèche rebelle, pantalon noir et chemise blanche, l’auteur de la Barbarie à visage humain répondait brillamment aux questions de Bernard Pivot. Le chef de file des Nouveaux philosophes a séduit bien des cervelles et conquis bien des cœurs dans la France des années 80.

Mais il n’a pas fait qu’écrire des chefs-d’œuvre, il en a aussi filmé.

Le Jour et la Nuit, sa seule fiction, a fait au moins 70000 entrées, avec à l’affiche, Arielle Donbasle, Alain Delon, Lauren Bacall et Karl Zéro !

Pas de Palme ni d’Ours au compteur, juste la note assez rare de 0,9 sur Allo Ciné. Les Cahiers du cinéma l’ont eux-aussi mis à l’honneur, le qualifiant de « plus mauvais film français depuis des décennies ». Ses documentaires comme Bosna ou Le serment de Tobrouk, à ne pas confondre avec Un Taxi pour Tobrouk, ont révolutionné notre vision du monde.


Je me dois de vous faire une confidence. Avant de rejoindre Lino Ventura, Charles Aznavour et Maurice Biraud, j’aimerais assouvir un vieux fantasme en organisant une « projection de cons ». Des potes, des pizzas et quelques bouteilles, un canapé et on se fait l’intégrale de l’œuvre cinématographique de Bernard-Henri !

Si ça ne suffit pas, il y a aussi les films où il a joué …


Mais ce grand-homme n’est pas un artiste coupé du monde. Ce n’est pas parce qu’il s’est offert un modeste appart à Saint-Germain, un Ryad, une villa à Saint-Paul-de-Vence, un palais maure à Tanger et un F2 à Pontault-Combault qu’il est insensible à la misère du monde. Avoir quelques billes en bourse, quelques sociétés et des amis blindés ne vous empêche pas de parcourir le monde pour en dénoncer les tragédies. Nous avons tous été émus par les images poignantes du front, avec des balles qui sifflent autour de notre héros, philosophe en treillis. Il a traqué sans répit toute forme de totalitarisme, que ce soit en Afghanistan, en Bosnie en Irak ou ailleurs.


Mais quel rapport avec notre Gloupier ?

Avec 8 entartages, BHL détient le record du monde toutes catégories, sans compter les répliques de ses disciples à travers le monde : « A vrai dire, quand il ne sera plus là, je serai désemparé ».

En 2015, dans Les Inrockuptibles, le Belge lui rend un hommage appuyé :

« BHL restera toujours pour nous la tête à tarte par excellence. C’est l’incarnation du pouvoir dans toute son horreur et nous avons le poil particulièrement hérissé par son arrogance nombrilesque. Il se prend tragiquement au sérieux, est de plus en plus influent et absolument antipathique… Nous luttons contre cette personnification méprisante du pouvoir… il réagit très très mal ! Comme il est très accroché à son image, il s’agit d’une véritable catastrophe pour lui. Il en oublie les caméras pendant quelques instants et réagit par des coups de poing nerveux ».

En 95 à l’aéroport de Nice, il entarte l’idole et son épouse.

« Pendant que BHL m’étranglait, elle me martelait de coups de sac à main » Mais il affirme « ne jamais rendre les coups ».

« Avec mes complices, on fait très attention d’être dans un pacifisme burlesque. Un pacifisme agressif évidemment mais on ne fait de bobos qu’à l’ego de nos victimes ».


JMB n’est pas connu pour être un monstre d’arrogance ou de vanité.

Le petit Jean-Michel voit le jour en 1964 dans le VIIIe arrondissement, et grandit dans le ghetto impitoyable du Bd Haussmann.

Durant sa scolarité dans un institut catholique, il fonde une petite boite de DJ avec son frérot, François Baroin, pour animer les rallyes BCBG.

Son bac B en poche, il enquille les diplômes comme d’autres les spliffs de beuh.

Une bourse à Harvard, un DEA de droit public, un autre en sciences politiques, Docteur, puis agrégé de droit public !


Si certains planqués débutent leur carrière d’enseignant en se la coulant douce dans un Lycée pro du 9-3, Jean-Mich est un jeune-homme dynamique : chercheur coopérant à Bogota, attaché d’enseignement à Assas, maître de conf à Tours, il termine professeur à l’Institut d’études politiques et à l’Université de Lille !

Mais ça ne va pas assez vite…

Directeur de l’Institut des hautes études d’Amérique Latine, recteur de l’académie de Guyane, directeur de cabinet adjoint du ministre de l’Education nationale, recteur de l’académie de Créteil, directeur général de l’Enseignement scolaire puis directeur de l’ESSEC !

Exemplaire, il ne doit cette ascension fulgurante qu’à son travail et à son mérite. C’est à peine si quelques amitiés influentes ont pu lui donner un léger coup de pouce.

Homme fort du sarkozisme pour l’éducation, d’aucuns disent qu’il en est le ministre bis. Il paye la note de ses amitiés particulières lors du quinquennat Hollande : il est honteusement relégué à la direction de l’ESSEC avec un salaire de misère. Mais Macron, son nouveau poto, lui trouve un modeste pied-à-terre rue de Grenelle, dans l'Hôtel de Rochechouart.


A nouveau au chômage, il rebondit en se présentant aux Législatives dans la 4e circonscription du Loiret !

Certaines mauvaises langues osent appeler ça un parachutage.

Alors que le pauvre JMB a courageusement délaissé les beaux quartiers pour se mélanger à la populace bouseuse du marché de Courtenay…


Rappelons-nous du Gloupier et de sa croisade contre les personnalités qui se prennent très au sérieux.

Une cellule dormante de l’Internationale pâtissière s’est activée samedi au marché de Montargis. Cette organisation est une nébuleuse dont on ne sait même plus si Noël Godin en tire les ficelles.

Les deux terroristes ont abandonné la tradition burlesque de la tarte à la crème pour agresser JMB à l’arme lourde : une bombe de chantilly calibre 73 avec laquelle ils ont aspergé le pauvre homme. La fameuse « atteinte à la démocratie » dont Chevènement nous parlait avec des sanglots dans la voix.

Pas d’arme par destination cette fois-ci, les deux activistes comparaîtront le 4 juillet pour « violences en réunion n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail ». Ils risquent jusqu’à trois ans de prison.


On espère juste que JMB n’aura pas d’incapacité partielle de travail, et qu’il pourra poursuivre son œuvre salutaire au service de la Démocratie…


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