VIKINGS
Mis à part le pillage de quelques poulaillers en bord de Seine, les vikings n’ont jamais réussi à coloniser la France. Heureusement, sinon nous serions tous blonds aux yeux bleus, à part Jean-Marie qui n’en a qu’un.
Même le beau Ragnar, le chéri de ces dames, s’est cassé les dents sur les remparts de Paris.
Quelques siècles plus tard, son descendant ne fera pas mieux. Les hordes du roi Sagosen, malgré 10 buts et 8 passes D, se feront botter le cul par des tricolores moribonds.
Dans ce monde de brutes, un peu d’histoire ne peut faire de mal à personne.
En particulier à tous ceux qui ont été élevé avec une cuiller en argent dans la bouche. C’est dingue comme on finit par s’embourgeoiser, surtout après deux titres olympiques et six mondiaux !
Alors que les plus anciens d’entre nous, ceux qui ont survécu au Covid et à l’anarchie cellulaire, savent ce que c’est de perdre contre les Hollandais ou d’en prendre quinze contre les Russes.
Ou pire encore, contre les Portugais.
Ah non, ça c’était au dernier Euro, ou la France a fait sa pire prestation depuis 2012.
Le hand français ronronne depuis plus d’une décennie, et pour couronner le tout, les filles et les bleuets s’y mettent, décrochant breloque sur breloque.
Faut-il changer une équipe qui gagne ?
C’est un débat vieux comme le sport, avec autant d’exemples que le contraire.
La retraite de glorieux anciens a parfois coïncidé avec des débuts de cycles fructueux, et il faut se méfier du syndrome suédois : une équipe magnifique qui a régné sur le monde dans la dernière décennie du siècle dernier, mais qui s’est éteinte faute d’avoir su se renouveler.
Envoyer trop de jeunes au casse-pipe est suicidaire, et de plus, c’est souvent le meilleur moyen de les griller. Il est difficile de se priver de vieux grognards, le truc est de leur épargner le combat de trop.
La vérité est dans l’équilibre entre anciens et nouveaux.
Surtout quand la famille prône des valeurs comme l’équipe, la transmission et l’humilité.
Et c’est la même pour le coach.
Depuis Costantini, la mode est plus au cadre fédéral qu’à l’entraîneur de club. Onesta, qui passe à Dinart, qui passe à …
Après l’or de 2017 et deux fois le bronze, le guadeloupéen se rate en 2020 avec une 14e place peu reluisante. On se rappelle que son prédécesseur toulousain avait fait pire au début de sa carrière en bleu.
Malgré une communication désastreuse, Bana lui apporte un soutien digne de JM Aulas, le président de l’OL, avec ses entraîneurs passés.
DD est débraqué quelques jours après avoir été solidement confirmé.
Dinart qui passe à … Gille, son adjoint.
Toujours cette volonté de transmettre !
Une blague médiatique parmi tant d’autres…
Officiellement, le passage de témoin est un modèle de bienveillance, totalement en phase avec les valeurs du sérail.
Dans les faits, on sait bien que le savonnage de planche est de rigueur, comme s’il fallait tuer le fils : Costantini a été le plus farouche détracteur d’Onesta, qui a été celui de Dinart, qui ne partira pas en vacances avec Gille.
Un Guillaume Gille qui doit se sentir rassuré par le soutien fraternel de ses collègues entraîneurs de club, Thierry Anti et surtout, Patrice Canayer.
Après le fiasco du dernier Euro, ce dernier avait proposé ses services pour sauver la patrie et manager un projet « Paris 2024 ».
Après deux matchs pourris contre la Serbie, le technicien héraultais a remis le couvert.
Il estime qu’il faut se projeter sur les JO en France, échéance majeure du hand tricolore. Pour cela, la recette est évidente, il faut donner de l’expérience à ceux qui seront cadres dans trois ans.
Une histoire de leadership, l’idée est de mettre certains jeunes en situation de responsabilité, sans qu’ils se cachent derrière les vieux.
Visiblement, la FFHB a décidé de faire sans lui, ce qui a dû le remplir de joie.
Patrice est-il un visionnaire ou a-t-il tiré sur une ambulance ?
Comme souvent, l’avenir le dira, et on verra si comme tant d’autres, il se transforme en flagorneur si jamais l’équipe de France réussit. Sans lui…
Ce match lui sans doute donné des premiers éléments de réponse.
Le roi Karabatic n’est pas là, les souris auraient pu danser.
Wesley « Paradin », Thomas Villechaize dans le texte, a frappé très fort.
En équipe de France depuis sept ans, il n’a jamais eu vraiment sa chance. Pas trop grave quand Omeyer brillait, mais depuis quelques temps, Vincent Gérard fait du sur-place.
Après la déroute serbe, on lui confie les clés du camion.
La première fois à 31 ans, pour ce qui aurait pu être un cadeau empoisonné !
Auteur d’une saison extraordinaire à Aix, il ferme la cage contre la Norvège avec autorité. Canayer cherchait des leaders à qui on donnait une chance, et bien en voilà déjà un. L’ADN défensif de cette équipe peut se réincarner dans cet homme, qui devra faire ce qui est le plus difficile dans le sport : confirmer.
Et puisqu’on parle de défense, comment ne pas noter la performance convaincante du duo Karabatic-Fabregas en défense centrale.
Un Ludovic Fabregas qui gobe tout ce qui bouge en attaque, secteur qui semble avoir trouvé deux leaders.
Mahé en chef d’orchestre, buteur, tireur de penalty, qui sera proche de la perfection quand il lâchera ses ballons un tout petit peu plus tôt. Remili, qui à 25 ans, prend la parole aux temps-morts et pèse sur le jeu.
Une prestation rassurante.
Ce n’est qu’un match, mais le tour principal est en vue.
On verra si la suite satisfait Patrice Canayer, et si un coach qui n’a jamais rien gagné en club peut mener une équipe nationale à la victoire.
Dans la tradition de ce qui se passe depuis vingt ans…
VINCENT PARDIN
A moins que ça ne soit Wesley Gérard.
Que faut-il retenir de ce deuxième match ?
Le staff a pris la décision de mobiliser l’ensemble du groupe de la plus efficace des manières : en intégrant d’entrée des garçons qui n’avaient pas joué au premier match. Et en donnant du temps de jeu à tout le monde.
Laissons de côté les mièvreries du style :
« C’est génial, tout le monde est concerné »
Ou encore,
« Ça permet aux titulaires de se reposer ».
Les patrons de bistrot seraient là pour les entendre, s’ils étaient ouverts.
Dans des temps reculés, il se disait que ce management était piégeux, en particulier quand les coiffeurs se montraient meilleurs que les titulaires.
C’était un risque à ne pas prendre si on ne voulait pas foutre la merde dans son équipe.
Mais on sait aujourd’hui que cette stratégie est efficace, à condition que les hiérarchies soient claires et acceptées par tous.
Patrice Canayer voulait des leaders, afin de préparer au mieux Paris 2024 !
Pour le moment, certains doivent le rassurer en lui donnant quelques réponses sur le terrain :
Guigou est capitaine.
Fabregas et Karabatic sont au rendez-vous de la défense.
Mahé et Remili des leaders d’attaque pertinents.
Sur les ailes, Porte et Descat sont mieux que des remplaçants.
Richardson est humain, il peine à faire ce qui est le plus difficile en sport, confirmer. Pour le moment, il n’est plus le magicien qu’il était il y a deux ans, mais ça reviendra. Tout irait pour le mieux si on y voyait plus clair au poste d’arrière gauche.
Sead Hasanefendic, entraîneur bien connu en France, en Allemagne et ailleurs ne disait-il pas que si le hand était un jeu d’échecs, l’arrière gauche en était le roi.
On peut se dire que si la performance XXL de Pardin contre la Norvège a fait du bien à quelqu’un, c’est bien à … Gérard !
Il n’est pas question de comparer les stats entre les deux, mais comme un symbole, le portier parisien a fait comme le provençal : il a été élu homme-du-match à l’issue de la victoire française.
On se rappelle qu’Omeyer avait forgé une chape de plomb sur ce poste essentiel, ne laissant que des miettes aux collègues qui ont partagé la cage avec lui. C’était le secteur le plus simple du coaching d’Onesta pendant plus d’une décennie : « Titi tu joues, Daouda, Cyril ou Vincent, tu échauffes les tireurs à la mi-temps. »
Autant dire que pour que ça fonctionne, et ça a été le cas, il a fallu que le carnassier alsacien soit diablement efficace.
Et il l’a été !
Depuis 2017, les choses sont moins évidentes, et l’avènement de Vincent Gérard n’a pas débouché sur un règne sans partage.
Depuis 2019, ses performances en équipe de France ou en Ligue des Champions sont plus irrégulières, et il semble que Wesley Pardin règne statistiquement sur la LNH.
On verra la suite, mais ça doit crépiter sous les crânes du staff !
Ont-ils établi une hiérarchie une bonne fois pour toutes, ou l’occasion fera-t-elle le larron ?
DU REVE AU CAUCHEMARD
Le Triporteur, vous connaissez ?
Darry Cowl est un garçon livreur qui se retrouve à Nice dans les buts de l’équipe qu’il supporte. Il finit par gagner la Coupe de France.
Le fantasme absolu.
Arrêter un pénalty de Ronaldo.
Larguer Pogačar dans le Galibier.
Mieux, mettre une branlée à Roger en finale à Wimbledon !
Wesley Pardin n’est pas Monsieur « tout le monde », sportif sur canapé, ou de comptoir si les rades n’avaient pas baissé leur rideau de fer.
Dans l’antichambre bleue depuis sept ans, il a comme tout le monde subi l’hégémonie d’Omeyer pendant une olympiade.
Puis il bossé comme un acharné, quitté la Ville rose avant de prendre l’ascenseur social. Il a grimpé les étages un par un, sans se presser, et c’est à 31 ans qu’il a vraiment eu sa chance.
Dominant en LNH depuis deux ans, il a encaissé l’avènement de Vincent Gérard en équipe de France, sans cesser de croire en son destin.
Une pandémie qui dévaste la planète, du rififi dans le handball tricolore, autant dire que la titularisation du martiniquais contre la Norvège est un quitte-ou-double, si ce n’est un cadeau empoisonné.
Le portier provençal va relever le défi.
Et de quelle manière !
Un match héroïque. Grâce à sa perf XXL, l’équipe renoue avec sa grosse tradition défensive. Celle qui a rapporté tant de titres depuis deux décennies.
Les bleus sont lancés comme des frelons vers une demi-finale qui ne peut plus leur échapper.
Il est assez facile de comprendre la fierté qui a dû être celle de l’enfant du Lamentin…
Une bonne chose pour tout le monde, à commencer par… Vincent Gérard.
Pour exister, le parisien se doit de briller lors du match suivant.
On peut toujours dire que l’Autriche n’est pas la Norvège, que blablabla…
Le parisien relève le défi et finit lui-aussi player of the match !
Une bonne nouvelle pour le staff, qui pourra compter sur deux grands gardiens, à condition de bien les gérer.
Le match contre les Suisses n’est pas une promenade de santé.
Portner fait une bonne prestation, et Andy Schmid fait ce qu’il veut.
Un récital de passes et de tirs, que la défense française admire avec trop de respect.
Et puis d’un coup, crac !
La fissure.
Pas sur le parebrise, mais Wesley Pardin se pète le genou.
La grosse cata !
Le match continue sur un faux rythme, jusqu’à la 55e.
23-23.
Décalage d’école sur Abalo qui dispose d’un tiers de zone : énorme arrêt de Portner.
Sale temps, la patrie est en danger.
Deuxième décalage, toujours sur Abalo, …qui marque.
Face à face Vincent Gérard-arrière droit; arrêt mastodonte au premier poteau.
Troisième décalage, toujours sur Abalo, …qui marque.
Deuxième face à face Vincent Gérard-arrière droit : arrêt mastodonte au premier poteau.
25-23, il reste 30 secondes et les choses semblent pliées.
But de Sidorowicz.
25-24.
Arrêt de Portner sur Richardson.
Balle d’égalisation pour Ben Romhdane, qui échoue sur Vincent Gérard.
Coup de sifflet final.
Ouf !
Une histoire de bonhommes dans le money-time.
Un 2/2 d’Abalo après un échec sur un Portner déchaîné.
Un 3/4 de Gérard.
Un café, l’addition…
Une addition un peu salée pour Wesley Pardin.
Rupture du ligament croisé antérieur !
Ce foutu croisé, celui qui pourrit la vie de tant de handballeurs…
Bon courage Wesley, et bienvenue à Capbreton.
On espère te revoir le plus vite possible…
A LA SAUCE ALGERIENNE
Les matchs France-Algérie ne sont pas des matchs comme les autres.
Paradoxe de l’actualité, le rapport de l’historien Benjamin Stora est remis au Président Macron le jour même où les Fennecs ont fait trembler les Bleus en Egypte. Un rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ».
Si Alger semble les attendre, l’Elysée ne présentera pas d’« excuses », mais des « actes symboliques » seront pris pour apaiser les mémoires.
L’histoire commune entre ces deux pays est très forte, et certainement douloureuse.
Une histoire compliquée…
Mais n’ayez crainte chers lecteurs, le but n’est pas de vous embarquer dans quelque polémique historique ou politique.
L’équipe de France n’a en aucun cas abordé ce match avec un sentiment de supériorité, mais il est évident que les algériens l’ont fait avec un supplément d’âme.
Si on ajoute à ce contexte particulier un coach français, Alain Portes, certainement pas mécontent de jouer un vilain tour à sa mère Patrie, tout était réuni pour un match piège.
26-26 à la 57e.
Un contre de Karabatic, un but de Fabregas sur une passe d. de Mahé.
Un 2/2 d’Acquevillo !
29-26.
Il n’y a pas de certitudes à tirer de ce match, juste des questions que l’on peut se poser.
Et c’est la vérité du terrain qui donnera des réponses, en particulier lors des gros matchs à venir.
La force collective entrevue contre la Norvège a du mal à revenir.
Luc Abalo l’a dit, cette équipe n’est plus ultradominante.
Ses adversaires ne sont plus les victimes expiatoires d’antan, ils savent, en entrant sur le terrain, qu’ils peuvent gagner. On ne lit plus la peur dans leurs yeux, comme celle qu’on pouvait voir chez ceux qui montaient sur le ring contre le Tyson de la grande époque.
Des joueurs qui savaient qu’ils allaient se faire broyer par une lessiveuse défensive, et achever par un gardien cannibale.
La blessure malheureuse de Pardin est-elle rédhibitoire, ou la paire de portiers parisiens va-t-elle se hisser au niveau des tous meilleurs ?
Les trois pivots sont dans le coup, ils nous ont servi un 8/8 impeccable, bien servis par les arrières.
Les arrières gauchers alternent assez bien entre création et danger au tir, tout comme Mahé.
Plus difficile pour les droitiers, où la lignée royale des Lathoud, Volle, Fernandez, Karabatic et Narcisse peine à trouver un successeur.
N’Guessan sera-t-il en mesure de relever ce défi ?
Les ailiers sont globalement efficaces, la mauvaise perf des droitiers sur ce match est du domaine de l’incident de parcours.
On ne sait pas si des algériens surmotivés, dont certains ne jouent pas au hand depuis un an, ont fait le match de leur vie. Ou si les français balbutient leur handball, la partie contre la Norvège ayant été une heureuse exception.
Gagner ses matchs à l’arrach est parfois un bon moyen de se construire un mental d’acier.
Le duo Karabatic / Fabregas a montré de solides garanties à chaque fois qu’il a joué. Le staff a pris le risque de le préserver un peu, et pour le moment le pari semble gagnant, puisque la victoire est au rendez-vous.
Si c’est une volonté de mobiliser l’ensemble des troupes, et si le but est de ne pas cramer physiquement cette charnière, on applaudira des deux mains si une médaille se profile.
En cas de défaite en quart ou en demie, des milliers de sélectionneurs ne se priveront pas de refaire le monde…
ICEBERG
L’iceberg est un bloc de glace.
Sa principale caractéristique n’est pas de couler le Titanic, mais d’avoir 90 % de sa masse immergée.
Nul ne peut dire de quelle vérité accouchera cette équipe de France.
Côté visible, les bleus ont enchaîné une quatrième victoire consécutive, dont deux aux forceps.
Paradoxalement, le premier match contre la Norvège a été le plus maîtrisé.
L’Autriche, la Suisse et surtout l’Algérie avaient déjà maltraité leur immense adversaire. Pas moyen de tordre ces équipes qui nous ont chatouillé jusqu’au bout.
L’Islande n’avait aucune raison de ne pas les imiter, et c’est ce qu’elle a fait.
Les spécialistes du verre à moitié vide y voient une incapacité chronique à botter le cul de vils manants qui osent nous manquer de respect.
Ceux qui l’ont rempli, certainement pour le boire, peuvent penser que gagner trois fois dans le money-time ne peut pas être le fruit du hasard. En tout cas, ça prouve que les nerfs de ces joueurs sont faits du même métal que leurs muscles.
Et que Guillaume Gille sait garder son calme dans les moments chauds, ce qui envoie toujours un message positif à ses troupes.
Les deux barcelonnais sont en forme.
Mem et Fabregas dégagent une force incroyable, avec puissance et justesse dans le jeu.
Le poste d’arrière gauche, sans qui il ne peut pas y avoir de grande équipe, est pour le moment un parent pauvre.
On ne sait pas si le troisième catalan reviendra, et dans ce cas, s’il sera capable d’apporter un plus…
La défense centrale est en place, on verra si elle est capable de broyer les futurs cracs qui se profilent.
Mahé est au rendez-vous. Créateur, finisseur ou passeur, il nous régale. C’est jusqu’ici le dépositaire du jeu. Remili et Richardson semblent là en cas de coup dur.
Patrice Canayer doit être content, il a ses leaders.
10% de l’iceberg émergent.
Les certitudes d’aujourd’hui ont évité un naufrage, mais suffiront-elle à monter sur la boite ?
Et là, il faut revenir sur le match contre l’Islande.
22-20 pour des Nordiens qui dominent à 20 minutes de la fin.
Fabregas est solide comme un roc, mais ça sent le piège à plein nez.
Deux choses irrationnelles et tellement handballistiques vont changer le cours du jeu.
Sur deux ou trois décisions, le duo d’arbitres espagnols ne va pas rendre service aux islandais. Loin de là.
Le hand est un sport où un ou deux coups de sifflets dans un sens peuvent faire totalement basculer un match.
Malgré un bon début de match, Vincent Gérard se fait trouer.
Yan Genty, qui avait débuté le mondial en tribunes, a intégré le groupe depuis la blessure de Wesley Pardin.
Son entrée va tout changer.
Il éteint la lumière et mange littéralement ses adversaires sur des parades qui vont faire tourner le match.
Un pénalty détourné sur sa ligne, on n’avait plus vu ça depuis les années 70 !
90% de l’iceberg sont invisibles.
On peut gagner de façon un peu inexplicable. Un match ou deux mais pas une compétition internationale.
Le temps n’est plus aux succès faciles.
Celui où on avait l’impression que le chauffeur du bus pouvait coacher cette équipe et décrocher une breloque dorée.
La France n’a pas vaincu sans péril.
Peut-être triomphera-t-elle avec gloire …
MARCHE ARRIERE
Le handball sans arrière, c’est un peu comme un couscous sans merguez.
Ou une bière San Miguel.
« Heu, si on ne shoote pas plus de loin, les défenseurs ne montent pas et il y a moins d’espace pour les pivots ».
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’immense Daniel Narcisse sur le plateau de Bein.
C'est vous dire si c'est vrai !
Personnellement, j’étais allé bien moins loin dans l’analyse du jeu en disant qu’il n’y avait pas de grande équipe sans grand arrière gauche.
L’arrière gauche, c’est le mâle dominant.
Le roi des échecs.
N’Guessan blessé, Lagarde qui pioche, Acquevillo qui se donne à fond, le royaume des Francs n’avait plus de monarque.
Inquiétant au moment d’affronter un Portugal à la sauce salsa qui nous martyrise depuis deux ans.
De retour sur le parquet, Thimotey a frappé très fort en shampouinant les lucarnes. Un 5/6 très convainquant en 20 minutes, avec un Lagarde efficace lui-aussi au relais du barcelonnais.
Mieux que ça, c’est « la base arrière » qui a sonné la révolte.
Si le rugby est un sport qui se joue devant, le handball en est un où les arrières ont la clé du camion.
Dans les matchs précédents, les pivots se sont gavés.
Avec, en particulier, un Kentin Mahé qui les a régalés. Et nous a régalé.
Karabatic plus défensif, Tournat excellent quand il joue, la doublette Mahé/Fabregas est une merveille.
Après tout, si les avants scorent, c’est que leurs coéquipiers font le travail pour.
Mais une petite sacoche de temps en temps, un nettoyage de lunette à plus de 110 à l’heure, ça ne peut pas faire de mal.
Et dans ce dernier match de groupe, les gros bras ont montré leurs biceps, avec 2/3 des buts marqués. En laissant des miettes aux autres dans le jeu placé.
Daniel Narcisse doit être content.
Tout comme Patrice Canayer, de voir que certains garçons assument le leadership d’une équipe considérée comme à la dérive quelques jours plus tôt.
A chaque match sa vérité.
Celle de ce France/Portugal s’est jouée au-delà de la ligne pointillée.
Et en défense également, le fameux ADN des Bleus.
Paradoxalement, Vincent Gérard n’a pas été statistiquement extraordinaire.
Il a été solide.
Mais surtout, sa défense l’a été.
23 buts encaissés avec un gardien à 9 arrêts et 29%, la performance est de taille.
Comme quoi, il est possible de bien défendre sans portier à 20 arrêts.
Dans le combat, mais aussi dans la lecture.
Une des grandes forces des lusitaniens est le jeu avec ses pivots.
Les tricolores l’ont formidablement contré.
Et ont retrouvé des couleurs dans le jeu rapide…
Tout va pour le mieux dans le meilleur des championnats.
Tous les ingrédients sont là dans la besace de l’équipe de France.
Une défaite en quarts et tout le monde tombera sur Guillaume Gille.
Encore 3 ou 4 victoires, et ses pompes à trois bandes reluiront comme des sous neufs.
DERNIER CARRE
2006 – 2017, les années de plomb du handball français.
Durant cette douzaine dorée, un dernier carré était anecdotique.
Ceux qu’on a appelé les Experts ont banalisé la performance, soit 9 titres majeurs sur 15 possibles, avec deux passages sur le toit de l’Olympe.
Alors des demi-finales …
Quatre années plus tard, le contexte a changé.
Les bleus sont redevenus humains, et par définition pas invincibles.
Et le dieu Nikola n’est plus un lapin de garenne. A 35 ans, son corps, pourtant de rêve, le trahit régulièrement.
Là c’est le croisé, le même qui a fauché Wesley Pardin.
Et qui pourrit la vie de tant de handballeurs.
Pour moi, le jeu pratiqué au Mondial 2017 a été la meilleure copie jamais rendue. Bien équilibré, entre une défense solide, une attaque variée et un bon jeu de transition.
Avec un duo Dinart-Gille à la baguette…
Malgré deux médailles, les choses se sont délitées, jusqu’à un Euro cataclysmique en 2020, avec des Portugais qui nous bottent le cul.
Bref, le grand Didier va y laisser sa place dans des conditions rocambolesques, et son ex-adjoint et néanmoins ami, débute dans le métier avec une planche bien savonnée.
Par ceux qui nous ont quitté, comme par ceux qui auraient bien aimé enfiler la tunique bleue : ça fait beaucoup de monde tout ça …
Les critiques fusent après deux matchs délicats contre la Serbie, et des victoires étriquées contre la Suisse, l’Autriche, l’Islande et l’Algérie.
- Inexpérience dans la fonction.
- Management trop participatif, avec ce fameux « Conseil de jeu ». Certains cadres collaborent avec le staff dans la construction du projet de jeu. Si on réfléchit, Ce n’est que l’institutionnalisation de ce que faisait Onesta en donnant à certains les clés du camion. Ségolène, la Madone du Poitou, doit être fière d’y voir une transcription sportive de la démocratie participative.
- Manque de leadership et de stratégie à moyen terme dans la gestion de ce groupe, ce qui est en contradiction absolue avec la critique précédente.
- Sans oublier les sélectionneurs de comptoir, toujours enclins à se demander pourquoi tel joueur est là, et pas tel autre.
Coupe du monde 98.
2018.
Ça ne vous rappelle rien ?
Jacquet et Deschamps s’étaient fait désosser, avant d’avoir le cul aussi propre que les pieds.
Le frangin du Vice-Président de la FFHB est en train de vivre la même aventure.
Encore une victoire et il aura beaucoup d’amis, encore deux et les flagorneurs de tout poil l’encenseront…
Et le jeu dans tout ça ?
Après la marche arrière du dernier match, les tricolores ont passé la marche avant.
Les gros bras ont galéré, éteints par un Mikler extraordinaire en début de match, mais nos pivots et ailiers ont scoré, sans rien rater.
Banhidi est un pivot totalement inarrêtable, il l’a prouvé tout au long du match ; bien servi par un Lekaï auteur d’une première mi-temps de rêve.
Puis on a vu les limites de la monoculture, comme pour le Danemark ou la Norvège.
Le meneur de jeu hongrois est progressivement entré dans le rang, avec en particulier un travail de sape monstrueux de Fabregas, qui lui a souvent donné rendez-vous avec son quintal d’acier.
Des arrêts décisifs de Vincent Gérard, du jeu rapide et un gros mental, les bleus ont su trouver la recette pour gagner ce match.
Une force mentale remarquable dans le money-time, pour la cinquième fois en 7 matchs, ce qui ne doit pas être le fruit du hasard.
Des leaders qui agissent sur le terrain.
Une équipe qui sait trouver les ressources du jour pour gagner.
Un coach qui reste calme dans la tourmente, qui propose des choses précises pour l’attaque qui suit et qui est bon au micro dans l’après-match.
NB
Borg, Navratilova, Sampras et bien sûr Roger m’ont fait beugler devant la télé.
Et je dois l’avouer, plus que pour n’importe quel match de handball.
Mais là, ce Danemark – Egypte !
Incroyable !
Du suspense, des drames, des coups du sort, des joueurs extraordinaires…
Continuez comme ça les gars, le handball en sortira vainqueur.
"MAIS IL CONNAIT PAS RAOUL CE MEC"
Perdre en demi est devenu une bien mauvaise habitude.
C’est même la troisième fois de suite, en quatre ans !
En jouer une semblait inespéré, mais après sept victoires, on pouvait envisager de quitter l’Egypte avec un peu de métal. Pour cela, il en faudra une huitième, et contre l’Espagne …
Après une défaite, on peut faire le tour de tout ce qui a mal fonctionné.
Les nostalgiques d’un passé doré, glorieux anciens ou analystes de comptoir, stigmatisent un manque d’engagement défensif.
Pascal Mahé, Didier Dinart, Bertrand Gille et tant d’autres ont broyé tellement de brillants joueurs, que le combat est entré dans l’ADN de cette équipe, souvent synonyme de victoire.
On peut tous tomber d’accord sur cette condition nécessaire, mais pas suffisante.
La défense est un affrontement collectif où l’on ne peut pas faire grand-chose sans s’imposer dans l’affrontement.
On se rappelle d’un célèbre toulousain, à l’accent truculent, qui répétait à chaque temps-mort :
« Il faut gagner vos duels !»
Attention quand-même, il ne suffit pas de mettre six bouchers-charcutiers sur le terrain pour faire le job en cassant la bouche de chaque adversaire.
C’est aussi un domaine dans lequel la lecture du jeu et l’articulation collective sont importants.
Dans ce registre, l’absence de Luka Karabatic a fait mal, et Kung-Fu Di Panda a manqué son rendez-vous. Trop dur, souvent en retard, il a fini dans les tribunes avec une belle biscote. Toute rouge.
Le handball sans arrière est un sport difficile.
On peut bidouiller, chercher des solutions, comme en quarts contre la Hongrie. Mais globalement, jouer sans tireurs efficaces mène rarement à la victoire.
Nikola Karabatic, Prandi out, la blessure de N’Guessan a mis trop de pression sur les épaules trop frêles de Lagarde et Acquevillo. Mem, Richardson et Mahé à la rue, c’est Remili qui a pris le jeu à son compte.
Le jeu en lecture et de duel a toujours été une spécialité française. En 2017, l’équilibre entre initiative individuelle et jeu conduit par un meneur a été parfait.
S’en remettre à un maître à jouer du type Hansen, Sagossen, Lekaï ou Schmid est confortable quand les choses tournent mal. Mais dangereux quand ils faiblissent ou quittent le terrain.
Nikola peut être ce chef d’orchestre.
Ça ne se décrète pas, c’est une légitimité que les autres vous donnent.
Kentin a eu beaucoup de mal à endosser ce rôle lors des deux derniers matchs, et Nédim est en train d’essayer. On verra dans l’avenir.
Le hand est un sport où tout le monde est sympa.
Des centaines de sélectionneurs donnent leur avis sur les réseaux sociaux, mais globalement sur un ton cordial. Une atmosphère ouatée, parfois à la limite de l’entre-soi.
La grande famille, loin des standards amicaux des « supporters » de l’OM.
Les joueurs qui passent au micro font ce qu’ils peuvent.
Manque d’agressivité, hommage aux suédois, chemin parcouru depuis les deux matchs contre la Serbie…
Une langue de bois tellement normale…et insipide.
Difficile de faire autrement.
« On a perdu parce que mes potes Yann et Vincent ont été nuls à chier ! »
Inimaginable et pourtant :
Quatre arrêts à deux sur le match, la Suède à 86% de réussite au tir !
Même si on ne peut tout ramener à une stat, celle-ci fait mal.
Quasiment impossible de gagner avec si peu d’arrêts.
Et si finalement si on avait perdu ce match le 18 janvier un peu après 18H00 ?
Contre la Suisse.
Quand Wesley Pardin s’est flingué le croisé …
Côté staff, ce n’est pas parce que la planche est savonnée qu’il n’y a pas de pain dessus…
Remobiliser les troupes pour taper l’Espagne.
Le début de match sera essentiel, il faudra leur marcher dessus, et espérer que nos portiers supportent la pression qu’ils doivent ressentir depuis deux jours.
Cibler Raoul, le frangin d’Alberto " l'éparpiller façon puzzle ", et se méfier d’Alex Dujshebaev, joueur fantasque et passeur absolument génial.
Valider ce voyage au pays des pharaons par autre chose que du chocolat serait une bonne chose, avec 8 victoires en 9 matchs.
Et puis comme à chaque fois, c’est à la fin de l’olympiade qu’on comptera les breloques…
P = MV
La dernière décennie a été catastrophique pour le rugby français.
Malgré un début de troisième millénaire où nos joueurs se sont mis au niveau physique de ceux de l’hémisphère sud.
Les tee-shirts se sont bien remplis et les mâchoires sont devenues bien carrées, ce qui n’a pas empêché les bleus de faire chou-blanc dans le Tournoi depuis 2010. Malgré une finale de Coupe du Monde 2011 totalement anecdotique.
Un jeu de tranchée et de combat où des gars pourtant costauds s’usent à force d’entrer dans un mur. Une philosophie laborieuse, loin du jeu de mouvement et des « passes avant contact » des fameux Blacks.
Ça ne vous rappelle rien ?
La finale Danemark – Suède a été une victoire de la fluidité dans le jeu de passe. Mais il ne suffit pas de le décréter pour le mettre en place.
La relation passeur-réceptionneur, si chère à Daniel Costantini dans les années 80, est une mécanique de précision plus fine à mettre en place qu’il n’y parait.
La fixation.
Il faut présenter un danger pour attirer un défenseur, sinon c’est on tombe dans la stérilité ou le jeu trop latéral. Il faut de la profondeur, en posant un appui vers le but.
La balle qui brûle les doigts.
Il faut lâcher sa balle dans le bon timing, ni trop tôt, ni trop tard…
Le jeu sans ballon.
Le futur réceptionneur doit calculer sa course de manière à recevoir son ballon lancé, dans l’espace et au bon moment.
Les sélectionneurs, spécialistes de comptoir, ou de réseau social, parlent souvent de « projet de jeu », version moderne du fameux « fond de jeu ».
Les populistes qui s’ignorent emploient eux, le terme « d’identité de jeu ».
En fait il s’agit de principes, qu’il faut respecter si on veut jouer juste : écartement, étagement, jeu sans ballon, création-exploitation de surnombre, …
Ils dépendent souvent de la formation du jeune handballeur, et le champion se doit de les respecter. Personne ne doit s’en abolir, sous peine de dégringolade tactique.
Hormis en 2017, la France a rarement été la nation qui jouait le plus juste.
Elle a souvent construit ses victoires sur d’autres ressorts, comme le combat ou le gardien.
Mais au-delà de ces principes, il faut marquer des buts, et ne pas en prendre si on veut gagner un match.
Si on regarde bien, c’est aussi ce qui a fait basculer une finale très serrée à la 42e, avec Hansen et Landin moins dominants que prévu.
Et là crac !
La fissure, le tournant du match !
Niklas sort des arrêts surnaturels, une chorégraphie grandiose avec jambe en lucarne et balle en pleine tronche.
Et Holm sort de sa boite, serial killer des suédois.
Jacob, pas Francis, pour quatre buts consécutifs : 18/19 … 22/20, un café, l’addition…
Trois heures plus tôt…
Médaille en chocolat.
Le constat arithmétique est inutile : la France est bien le dernier des quatre.
4 buts d’arrière en deuxième mi-temps, des gardiens pas déterminants, on vit un remake de la demie.
Thomas Villechaize fustige le manque d’identité de jeu de cette équipe.
Des arrières qui jouent des duels sans continuité, en prenant leur balle sans course préalable.
En oubliant que la puissance est le produit de la masse par la vitesse : P = MV.
Une charnière centrale intelligemment isolée par des Espagnols qui se régalent dans le 2 contre 2 arrière-pivot.
Rodrigo qui performe, Gonzalo qui sort les pénos.
Dujshebaev fantasque, mais par moment fantastique…
On peut disserter des heures sur l’absence d’untel, la médaille en chocolat, les JO 2021, 2024, 2048 …
On peut se poser la question de l’inexpérience de Guillaume Gille, mais aussi se demander ce qu’auraient fait Anti et Canayer à sa place, notamment avec la blessure de Nikola et Wesley Pardin ?
Il faut faire un constat sans concession, et se dire qu’on a beaucoup gagné parce qu’on avait une défense et un gardien intraitables, qui faisaient peur à tout le monde.
Pas parce qu’on était les plus beaux ou les plus intelligents.
Un peu d’humilité ne peut faire de mal à personne.
Les autres ne sont des pipes.
Ils progressent.
Le jeu progresse et nos joueurs doivent le faire aussi.
En respectant les principes.
Du jeu.
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