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CARLOS ET ROGER


Putain Roger tu fais chier !

Ça fait 15 mois que tu nous racontes des salades.

Tu nous avais le coup en 2017 après 6 mois sans balle jaune, mais là, tu nous as vendu du rêve.

15 mois !

A plus de 40 barreaux !

Et pendant ce temps, tes concurrents ne boivent pas des bières en regardant des séries : ils s’entraînent 45 heures par jour en mangeant des graines. Sauf Benoit Paire qui s'enfile mousse sur mousse, et Jo qui se baffre de Kinder Bueno, mais il paraît qu’il est rangé des raquettes.


A part Paco Rabanne et Bigard, personne n’y croyait trop.

Dès leur mise en ligne, toutes les places du tournoi de Bâle sont parties en quelques heures : en octobre, des milliers de pigeons vont devoir se coltiner Pierre-Hugues Herbert qui devrait le remplacer au pied levé.

Attention Roger, tu pars sans tes 42 annuités : ta maigre retraite ne sera pas à taux plein.

Toi le roi de la beuh, tu as quitté le Central Court sur un 6-0 encaissé contre Hurkacz !

Pire encore, ça restera ton dernier match …


20 ans plus tôt, un Suisse de 19 ans débarque sur le gazon londonien, avec sa house et son catogan : non ce n’était pas Francis Lalanne. En 5 sets accrochés, ce jeune impertinent prive le roi Sampras d’une 100e victoire et d’un 5e titre à Wimbledon.

Comme Borg.

Pete et Bjorn, mes deux idoles du siècle dernier.

Six années plus tard, l' Helvète égalera ce record, avec 8 unités au compteur, il reste à ce jour le plus capé. Et encore, à quelques millimètres près, il devrait être à 10.


Qu’importent les chiffres, Roger est celui qui a fait entrer son sport dans le 3e millénaire. Il a remis au premier plan, un tennis qui s’essoufflait depuis l’âge d’or des années 80.

Comme Michael et Tiger.

Machine à cash, milliardaire, égérie de Rolex, Barilla, Uniqlo et de tant d’autres, le Suisse est déjà une légende, de celles qui franchissent les siècles.

A mes yeux, il incarne l’élégance suprême, celle qui tutoie la perfection.

L’homme, on s’en tamponne.

Alors que ses collègues changent de femme comme de chemisette, Roger est resté fidèle à Mirka, qui lui a donné quatre enfants. Un père de famille exemplaire tout autant qu’un citoyen engagé : quand y’en a pour 6 y’en a pour 12. Il ne rechigne jamais à retrousser ses manches en cachemire et mettre ses mains dans une grande gamelle d’eau bouillante pour cuisiner des spaghettis. Pour les amis, la famille et même des gamins qui crèvent la dalle. Heureusement que sa montre est waterproof. Maintenant qu’il a le temps, il paraît qu’il va donner des cours de revers slicé dans les EHPADs de Lausanne.

Si ça trouve, il lui arrive de péter un coup dans sa bagnole ou de demander un petit dessous de table pour participer à un tournoi.

Faut le comprendre, il a quatre bouches à nourrir et le prix des pâtes s’est envolé…


Avec ces rafales de louanges, on l’imagine assez mal insulter une personne âgée au supermarché. Dans la vraie vie, nul ne sait vraiment quel homme il est.

Sur le court, nous sommes des millions à avoir assisté au récital du maestro.

Il a fait changer le tennis de siècle. Au XXe, tous les joueurs avaient un point faible : on se souvient du passing de revers de Noah ou du coup droit d’Edberg. Ils étaient souvent spécialistes d’une surface, ou totalement allergiques à une autre. Roger n’a que des points forts, même si un salaud d’Espagnol a souvent pilonné son revers pour le faire plier. Quand certains cognent comme des sourds, il caresse la balle et l’accélère sans effort. Un artiste contre des sportifs, ses nerfs d’acier lui ont permis de gagner quelques matchs cultes… et d'en perdre d'autres.

Victoires, défaites, qu’importe, il fait partie des rares humains à avoir tutoyé le divin…


Un chevalier antiespagnol, secte dont les adeptes vivent reclus sur un lopin de terre battue. Ils passent leurs journées à lifter des balles jaunes et leurs nuits à regarder des vidéos de Guillermo Vilas.

Rafa, le plus célèbre d’entre eux, n’a jamais été inquiété par la justice malgré les gestes obscènes dont il se rend coupable à longueur de matchs. On connait des exhibitionnistes qui dorment en prison pour moins que ça.


Et puis Carlos est arrivé.

Il a croisé Roger sans jamais le rencontrer.

Comme ses célèbres compatriotes, il a fait ses armes sur terre. Mais son jeu est inclassable, indéfinissable.

Il a le revers de Djoko, le coup droit de Rafa, la volée de Rafter, les jambes d’Hewitt et le service de Sampras. J’exagère à peine, mais c’est comme si un décathlonien avait sa chance aux JO dans chacune des 10 épreuves.

Il excelle dans tous les domaines du jeu, attaque, contre-attaque, amortie, lob, passing, volée, service, retour… Très créatif, il tente des choses en permanence, avec forcément un peu de déchet.

Mais le must, ce sont ses sauvetages visiblement désespérés pour les autres, mais pas pour lui ; des balles qu’il est le seul à pouvoir jouer. Sa vitesse de déplacement est incroyable, une glissade et un grand écart, il est capable de tout. A Carlos rien d’impossible, on a le sentiment qu’il pourrait aller chercher une balle dans les vestiaires et la remettre en jeu avant le rebond.

Il repousse les limites du réel, de ce qui est possible dans ce sport.

Il n'innove pas seulement dans les coups, mais dans le scénario d’un match, dans sa dramaturgie : par le passé, on a déjà vu des joueurs s’écrouler après avoir marché sur l’eau. Le McEnroe-Lendl de 1984 en finale de Roland en est un exemple célèbre, l’histoire des grands-chelems est pleine d’improbables renversements de situations. Mais à 19 ans, Alcaraz est le seul à pouvoir le faire plusieurs fois dans la même partie.

Saoulé de coups, jamais KO, il se relève sans cesse. C’est le seul à le faire.

Ses matchs sont des films de Rocky.



Salut Roger, bonne retraite dans le canton de Bâle.

J’espère que tu regarderas d’un œil bienveillant un petit diable espagnol croiser le fer dans des duels homériques avec Rafa et Djoko. Je rêve de te voir un jour prochain remettre le Wimbledon Trophy à ton jeune héritier, toujours très élégant dans ton blazer bleu du All England Lawn Tennis and Croquet Club.


Et si vraiment t’es cool, invite donc Carlos, Pete et Bjorn à déguster tes Barilla.

Al dente avec du gruyère …

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