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LE SYNDROME DE BAMAKO


Le 23 août 1973, Jan Erik Olsson foire lamentablement le braquage d’une banque à Stockholm.

Il canarde un peu les policiers arrivés trop vite, et prends quatre employés en otage pendant six jours. Il repartira les poches vides mais gagnera le droit de croupir gratuitement de longues années dans les geôles torrides de la capitale suédoise. Des prisons où l’on mange du caribou matin, midi et soir.

Pourtant, ce bon Jan Erik ne restera pas tristement célèbre comme nutritionniste, mais bien comme psychologue.

En respectant ses otages et en leur expliquant les causes de son geste, il réussit l’exploit de susciter leur empathie : une bascule invraisemblable qui rend le criminel sympathique et le policier coupable !

Le syndrome de Stockholm était né officiellement, même si dans le passé, on avait déjà vu certaines victimes se lier curieusement d’amitié avec leur bourreau.

On cite par exemple le cas d’un barbu maigrichon qui aurait dit à propos des petits plaisantins qui l’avait cloué sur un morceau de bois :

« Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Ou de certaines femmes qui sont allées à faire don de leur corps à ces grands blonds à moustache.

Tout ça parce que des petits bruns au nez crochu se moquaient de leur coupe mulet.

Les mêmes qui avaient fait cette bonne blague au barbu presque 2000 ans plus tôt !

Comme pas mal d’autres dans le secteur, le Mali n’est pas un pays réputé pour sa stabilité politique. Le Président Ibrahim Boubacar Keïta, est au pouvoir depuis 2013, suite à un coup d’état en 2012.

Les années qui suivent marquent une période trouble qui voit des groupes djihadistes et l’armée française se faire quelques politesses, dont certaines plus mortelles qu’amicales.

Sophie Pétronin aime le soleil, contrairement à Jan Erik qui préférait les rigueurs de l’hiver. Alors cap au sud, elle s’installe en 2001 à Gao, au nord du Mali où elle dirige une ONG qui lutte contre la malnutrition des enfants.

A deux doigts de se faire enlever en 2012, elle passe à la trappe peu avant Noël 2016.

Malgré les efforts de son fils et du gouvernement français, la septuagénaire passe quatre ans en compagnie charmante d’une association djihadiste du Sahel liée à Al-Kaïda.

Les négociations s’embourbent, l’issue semble moyennement lumineuse.

Mais en août 2020, Ibrahim Boubacar est à son tour renversé par une insurrection populaire.

En mal de respectabilité internationale, la junte nouvellement au pouvoir décide de discuter avec les factions armées du Sahel, en particulier pour faire libérer le principal opposant au régime.

Qui se trouve être en captivité aux côtés de l’otage française, qui se retrouvera incluse dans la négociation !

C’est la fin des malheurs de Sophie, qui comme tant d’autres collègues se retrouvera quelques semaines plus tard devant les caméras à l’aéroport militaire de Villacoublay.

Mais là, première surprise, nous n’aurons pas le droit à la traditionnelle allocution commune avec le Président de la République.

  • Nous sommes fiers d’accueillir Sophie sur le sol de notre mère Patrie, après quatre années terribles de captivité.

  • Je remercie le Président du fond du cœur.

  • C’est normal Sophie, la France n’abandonne jamais ses enfants.

  • Si vous saviez ce que j’ai enduré, surtout après la disparition de la dernière chèvre.

  • Je sais Sophie, je sais…

  • Et merci aux services secrets, qui n’ont pas hésité à débourser…

  • Oui, je veux ici rendre un hommage appuyé à notre diplomatie, qui a su rester sourde à cette odieuse demande de rançon. Jamais nous ne cèderons, vous m’entendez, aux exigences d’un quelconque groupe terroriste. Jamais !

Malheureusement, les choses ne se sont pas vraiment passées ainsi.

Après une bonne heure de tractation, Manu est reparti sans dire un mot aux nombreux journalistes qui attendaient un si beau discours.

Sophie par contre, ne va pas être avare de ses mots.

"Je me suis placée dans l’acceptation", détaille Sophie Pétronin, qui qualifie sa captivité de "retraite spirituelle". "Je me suis accrochée car je sais que c’est l’anse la plus ferme".

Un discours plein de bon sens.

Et puis, elle va un peu plus loin en faisant état de ses convictions religieuses.

"Pour le Mali, je vais prier, implorer les bénédictions et la miséricorde d'Allah, parce que je suis musulmane. Vous dites Sophie, mais c'est Mariam que vous avez devant vous"

On se dit que chacun s’accrocherait comme il peut en pareilles circonstances. En témoigner n’a rien de choquant, n’en déplaise à certains islamophobes notoires.

En rester là aurait été bien suffisant, mais l’air du pays semble la rendre un peu bavarde. Interrogée par plusieurs médias sur les « djihadistes » qui l’ont séquestrée, Sophie offre une réponse déconcertante.

"Appelez-les comme vous voulez. Moi, je dirais que ce sont des groupes d'opposition armée au régime".

Un peu limite quand on sait que l’armée tricolore déployée dans le cadre de l’Opération Barkhane, a vu 50 soldats y laisser la vie.

Le problème n’est pas tant les 20 millions, montant estimé de sa rançon.

Une goutte d’eau dans le bourbier.

Le GISM, Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans, affilié à Al-Qaïda, a obtenu la libération de 206 de ses membres dans l’échange avec Sophie Pétronin et Soumaïla Cissé, le fameux opposant !

Pauvre Manu !

Paris n’a pas été mêlé à une négo, directement menée entre le gouvernement malien et des chefs Touaregs.

Elle portait exclusivement sur la libération de Cissé.

Pour couronner le tout, Sophie a rendu hommage à ses ravisseurs, pas à ceux qui ont déboursé la modique somme de 20 patates pour qu’elle retourne en Suisse.

Sale journée !

206 prisonniers sortent de prison, pas tous de fervents supporters de l’armée française.

Sophie a été victime du même syndrome que Jan Erik, mais dans sa version exotique : le syndrome de Bamako.

Manu peut rentrer chez lui la queue entre les jambes.

Il ne manquerait plus que Brigitte lui ait préparé une assiette de foie de génisse aux brocolis, sa grande spécialité…

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