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"LE TAFFETAS DU DUONENUM" Francis Blanche


Alors que les français se ruent sur les rouleaux de PQ, les américains dévalisent les stocks d’arme à feu.

La peur du virus ne provoque pas la même réaction que vous soyez d’un côté ou l’autre de l’Atlantique : quand l’européen a la chiasse, le cow-boy dégaine son colt !

Il vaut mieux ça que le contraire : imaginez une seconde John Wayne poser une pêche quand il se fait braquer par les Indiens !

Malgré une bénédiction divine et un Président frappadingue, les USA prennent la vague, comme jadis l’Egypte ses dix plaies.

Pas de confinement providentiel pour ce pays plus fédérateur que jacobin, ce qui n’a pas empêché certains Etats comme New York ou la Californie de faire comme chez nous : écoles fermées, déplacements restreints, seuls certains commerces restent ouverts.

Comme le disait ma coiffeuse, chacun voit midi à sa porte.

L’essentiel serait donc une notion relative !

Les indigènes de quelque tribu amazonienne ont sans doute plus besoin d’un couteau suisse que de l’iPhone XI. Et puis on capte pas terrible dans cette forêt.

Les armureries sont aux ricains ce que le Franprix est pour nous : un commerce essentiel.

D’ailleurs, les rêveurs romantiques de la NRA ont immédiatement mis les choses au point :

« Les opinions politiques subjectives ne sont pas pertinentes face à cette vérité : les vendeurs d’armes autorisés sont des commerces essentiels pour garantir un droit protégé par la Constitution. Point final »

La crise sanitaire en cours n’excuse pas la violation du deuxième amendement de la Constitution qui, selon eux, garantit un droit au port d’armes. Au contraire, « les vendeurs d’armes et de munitions fournissent peut-être la fonction commerciale la plus importante en permettant aux Californiens de se défendre eux-mêmes, ainsi que leurs proches et leur propriété » en ces temps troublés.

Merci bien ô Deuxième Amendement, sans toi, les 40 000 morts annuels se sentiraient un peu perdus.

Mais après avoir donné la leçon à nos amis transalpins, ne nous privons pas de le faire aux transatlantiques.

Si ces décérébrés ont leur Constitution, nous, nous avons la Loi Evin.

Pas besoin de flingue pour faire des dizaines de milliers de morts, l’alcool et la clope suffisent.

On risque plus de passer l’arme à gauche en tirant sur sa Marlboro qu’en mettant le canon d’un 357 Magnum dans sa bouche. A ne pas confondre avec le double-chocolat, quand même moins nocif que son collègue de chez Smith & Wesson.

La molécule d’éthanol tue pour le moment plus que le coronavirus, en particulier dans les mornes cités minières des Hauts-de-France.

La loi est censée protéger les plus faibles, c’est pour ça que nous sommes une Nation autant civilisée.

Celle de l’ami Claude ne fait pas exception à la règle. Elle lutte sans merci contre ce fléau, et se propose d’en réglementer la publicité, dans le noble but de préserver les plus jeunes de leur première cuite.

Et sans hypocrisie, comme en atteste l’article L665-5 :

« Ainsi, la communication faisant référence au savoir-faire, au terroir, à l’histoire ou aux traditions, en autres, n’est pas considérée comme message publicitaire. Ainsi, cette Loi s’adresse concrètement aux producteurs de vins et de boissons alcoolisées issues de traditions locales, comme le sont les bières artisanales, les cidres ou les poirés ».

En ces temps incertains, un peu de patriotisme ne peut pas faire de mal.

Chacun sait qu’un petit coup, ou trois, de Château Cheval Blanc n'a rien de nocif, en tout cas beaucoup moins qu’un vulgaire shot de vodka.

Quelque chose me dit que ceux qui sont bêtement confinés dans un F3 à Pontault-Combault n’ont pas eu la présence d’esprit de s’offrir quelques caisses de ce fameux Saint-Emilion. Pire, ces pauvres bougres n’en ont peut-être pas les moyens !

Heureusement qu’ils ont la radio :

« Baron de Lestac, ce bordeaux, c’est quelqu’un ».

Et que le Franprix d’à côté est un commerce essentiel, il y en a plein les rayons.

Lestac… Castel…

Castelvin ! Bon sang mais c’est bien sûr !

Le retour du gros rouge qui tâche, le Préfontaines de notre enfance, qui assumait sans complexe dans son magnum en plastique.

Pas le colt, la bouteille.

Pas d’hypocrisie en cette époque bénie où Desproges nous régalait. Pas de flacon de verre ni de campagne de pub, c’était comme pour les nains, les aveugles ou les clochards…

Le vin des Rochers, le velours de l’estomac.

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