Georges, le meilleur d’entre nous, a écrit et chanté « La ronde des jurons. »
Un petit chef-d’œuvre pour qui voudrait les réviser, qu’ils soient ou pas blasphématoires :
« Voici la ronde des jurons Qui chantaient clair, qui dansaient rond, Quand les Gaulois De bon aloi Du franc-parler suivaient la loi, Jurant par-là, Jurant par-ci, Jurant à langue raccourci’, Comme des grains de chapelet
Les joyeux jurons défilaient(…)
Le vieux catéchisme poissard N'a guèr' plus cours chez les hussards... Ils ont vécu, de profundis, Les joyeux jurons de jadis. »
Henri IV a changé six fois de religion dans sa vie, autant dire que c’est un sujet qu’il connait. Quoique moins bien que Liz Taylor le mariage, avec sept unités au compteur.
Pas le meilleur moyen de se faire des amis, les catholiques le considérant comme un usurpateur, les protestants un traître.
Heureusement, François Ravaillac aura la bonne idée de faire de lui un martyr, et il faudra ce régicide pour que se bâtisse la légende du bon roi Henri.
Un illuminé élevé dans la haine des Huguenots, qui accomplit sa mission divine à coups de couteaux, ça ne vous rappelle rien ?
Le XVIe siècle était une époque sympathique, où on ne badinait pas avec la croyance. Avec l’édit de Nantes de 1598, Henri IV met un terme à trois décennies de guerres de religions plus sanglantes que les manifs de Gilets jaunes.
La Saint-Barthélemy n’est pas seulement une île des Caraïbes sur laquelle Johnny repose paisiblement.
C’est aussi un massacre qui a fait 10000 victimes selon la police, 30000 selon la CGT. Tout ça pour apprendre les bonnes manières à ces salauds qui osaient douter de la virginité de Marie. Un sujet quand-même plus spirituel que l’âge de départ à la retraite, surtout pour des pauvres gars qui n’avaient aucune chance de l’atteindre.
Les choses ne s’arrangent guère avec Louis XIV et Louis XV.
Demandez donc à François-Jean, autrement connu comme chevalier de La Barre. Ce jeune dépravé de vingt ans est condamné en 1766 par le tribunal d’Abbeville pour « impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables ». Il faut dire que ce dangereux activiste était « atteint et convaincu d’avoir passé à vingt-cinq pas d’une procession sans ôter son chapeau qu’il avait sur sa tête, sans se mettre à genoux, d’avoir chanté une chanson impie, d’avoir rendu le respect à des livres infâmes au nombre desquels se trouvait le Dictionnaire philosophique du sieur Voltaire. »
Devant un tel crime, la justice ne peut pas se permettre le moindre laxisme :
Le chevalier est supplicié le 1er juillet 1766. Le matin il subit la question ordinaire, ses jambes sont enserrées entre des planches de bois et l'on enfonce des fers entre les planches et les genoux pour briser les os. Pour qu'il ait assez de force pour monter sur l'échafaud, il n'est pas soumis à la question extraordinaire. Il est conduit sur la Grand-Place d'Abbeville, en charrette, en chemise, la corde au cou. Dans le dos est attachée une pancarte sur laquelle était inscrit « impie, blasphémateur et sacrilège exécrable ». Il est décapité à la hache, puis son corps est ensuite brûlé ainsi qu'un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire, cloué sur sa poitrine…
On comprend qu’en ces temps moins tolérants qu’aujourd’hui, il était de bon ton de maquiller le côté blasphématoire des jurons.
On prête au bon roi Henri le fameux « jarnicoton ».
Textuellement, « je renie Dieu ».
En 2011, la sodomie n’est plus illégale en Louisiane, même si de nombreux pays la punissent encore de la peine de mort.
Un Etat américain va déposer un projet de loi visant à punir les médecins avorteurs de 99 ans de prison.
Franchement, on peut se poser la question qui brûle les lèvres à tout le monde :
Pourquoi pas 100 ?
La France est un pays décadent, dans lequel le blasphème n’est pas un délit.
Après tout, un esprit normalement constitué peut comprendre la nuance entre critiquer un pouvoir, une religion, et s’attaquer à ses adeptes.
Ceux qui s’en offusquent se sentent personnellement dénigrés dans ce qu'ils ont de plus cher, la victimisation est devenue un sport national.
Mila, une gamine de quinze piges, a récemment pris moins de précautions qu’Henri IV et le chevalier de La Barre réunis.
« Je déteste la religion, […] le Coran il n'y a que de la haine là-dedans, l'islam c'est de la merde. […] J'ai dit ce que j'en pensais, vous n'allez pas me le faire regretter. Il y a encore des gens qui vont s'exciter, j'en ai clairement rien à foutre, je dis ce que je veux, ce que je pense. Votre religion, c'est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir. »
Certains ont réagi au quart de tour, lui promettant des douceurs du même ordre que celles gentiment prodiguées à François-Jean au XVIIIe siècle. Rien de tel qu'un viol ou un petit shot d'acide chlorhydrique pour vous apprendre les bonnes manières.
C’est fou de voir que lorsqu’on touche au sacré, les réactions sont démesurées…
Alors que d’autres communautés pourraient au moins se plaindre.
Pas un seul mot des pauvres bougres qui pourtant ont été stigmatisés dans leurs pratiques contre-nature.
Ni même des proctologues dont on insulte la noble profession.