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LE DÉNI, OU L’ART D'ESQUIVER POUR SURVIVRE


Le veau, même quand il voyage dans un beau camion bien serré contre ses potes, ne sait pas qu’il finira sa route dans une boite de raviolis.

Contrairement à l’homme qui lui, sait très bien qu’il va mourir, surtout s’il mange trop de conserves.

Je ne sais pas à quoi peut bien penser le brave toutou attaché depuis 48 heures autour d’un arbre de la forêt de Ferrières, mais son ex-maître est capable de ne pas voir la réalité telle qu’elle est.

Mieux, l’homme s’en sort mieux que l’autruche qui met sa tête dans le sable. Il peut transformer inconsciemment une réalité insupportable pour la rendre moins douloureuse.

Ce mécanisme de protection psychique est bien pratique.

Il permet de continuer à vivre, en particulier après certaines belles surprises que nous réserve l’existence. Une façon de s’arranger avec soi-même, personne souvent essentielle de notre entourage.

Certaines images de misère, de corps décharnés ou de charniers ont accompagné notre enfance. On peut regretter l’absence de prise de conscience, mais personne ne peut sérieusement dire que ces choses n’ont pas existé.

Tout le monde sait.

Rio, Enugu, Manille ou Kigali sont des villes où il n’a pas toujours fait bon vivre. Une petite famine par- ci, un génocide par là…

Mais elles sont loin de chez nous !

Le monde occidental n’est pas un paradis terrestre, mais la plupart de ceux qui y vivent ont longtemps connu un sentiment de relative sécurité. Une protection contre des exactions ou des atrocités forcément exotiques.

Une réalité qu’il n’était pas nécessaire de nier pour vivre tranquillement, quitte à se resservir un ptit verre ou reprendre une quatrième tranche de rosbif.

Certains oiseaux de mauvais augures nous prédisaient un gros beug informatique pour notre entrée dans le XXIe siècle.

Ces trouillards pessimistes se sont fourrés le doigt dans l’œil, ou ont eu raison avec un peu d’avance.

Malraux la voyait spirituelle, mais le troisième millénaire a véritablement commencé par l’attentat du 11 septembre.

Si le monde savait qu’on pouvait marcher sur la lune, il apprenait subitement que le pire était possible.

A nouveau nous diraient quelques pinailleurs pas toujours très catholiques…

Une bande d’illuminés avait frappé très fort, et pas à des milliers de kilomètres dans le bled paumé d’une république bananière. Au cœur de la première puissance mondiale, réduisant en poussière un symbole de cette chère civilisation.

Vingt ans plus tard, tout va pour le mieux sur notre bonne vieille terre.

La liste est sans fin, le voyage en Absurdie n’est pas le même que l’on soit un koala dans le Bush ou un ours blanc sur la banquise.

Si les uns se réchauffent autour de sympathiques feux de camps, les autres apprennent à nager dans une eau juste un peu fraîche.

Mais rien de grave tant que Hugues Aufray garde la pêche et qu’il y a de la glace à la patinoire de Champigny-sur-Marne.

De nos jours, qui peut dire qu’il peut vivre sans être connecté à son écran, télé, smartphone, ordinateur ou montre. Alors ce ne sont pas les quelques tonnes d’arsenic, de mercure, de chrome et de titane contenues dans les boues rouges déversées par l’usine d’alumine de Gardanne qui vont nous pourrir la vie.

Après tout, les daurades du parc national des Calanques de Cassis peuvent aller se baigner plus loin. Et les pêcheurs n’ont qu’à manger des Big Mac, il y a plus de graisse que de métaux lourds.

Toutes ces bestioles sont stupides.

C’est même pour ça qu’elles appartiennent au règne animal.

Alors que l’être humain, lui, a montré de fantastiques capacités d’adaptation.

N’y-a-t-il pas dans les bistrots plus de gars qui survivent à une surconsommation de Ricard que d’abeilles au Roundup ?

C’est comme à Gustave Roussy, il est étonnant d’y croiser autant de fumeurs.

L’homme est un animal doué de raison, comme le dauphin. C’est d’ailleurs ce qu’écrivait Robert Merle, qu’on a un peu de mal à ne pas soupçonner de quelques sympathies animalistes.

Une réputation usurpée pour ce mammifère marin chez qui le viol est monnaie beaucoup plus courante que chez son cousin bipède, souvent homosexuel.

L’humain viole rarement, il préfère ramener énergiquement à la raison les femmes qui ne sont pas toujours d’accord avec son point de vue.

L’hôpital, l’école et la justice se portent comme des charmes.

26 petits malins possèdent autant de pognon que les quatre milliards d’hommes les plus pauvres.

Certains profs de 65 piges réussiront bientôt l’exploit de rétablir le calme dans une classe de SEGPA d’un collège de Villetaneuse. Pendant que leurs camarades de la SNCF récupéreront depuis dix ans d’une carrière aussi pénible.

Le plaquiste quant à lui n’aura pas ce genre de problème, comme le mineur de fond il y a quelques années.

L’Absurdie était la France du Général de Gaulle.

Celle de Manu ne va pas beaucoup mieux.

Depuis les années 70, la grande mode était de nier les grandes fractures de la société, en particulier pour ne pas faire le jeu de l’extrême droite et de ces salauds de populistes.

Aujourd’hui, nous sommes souvent dépassés par les événements.

Les bidonvilles sont chez nous, la République a perdu des pans entiers de ses territoires. L’obscurantisme de tout bord gagne du terrain, et ceux qui luttent contre se radicalisent aussi.

La haine se répand, les menaces de morts deviennent monnaie courante.

Les flics ne font plus leur boulot. Ils tapent ou se font agresser, tantôt victimes, tantôt bourreaux.

Plus de filtre, la parole se libère, et le geste s’y joint bien volontiers.

Les gauchistes d’hier seront les fachos de demain, fervents défenseurs d’un ordre nouveau.

Les partis de droite sont exsangues. Macron les a piégés, comme Mitterrand l'avait fait avec le PCF.

A moins qu’ils n’aient eu besoin de personne pour le faire tous seuls.

En effet, à gauche, la situation confine au ridicule.

Jean-Luc et les autres crient au loup : la dictature LREM, à la botte du grand capital, a tellement muselé la presse qu’on ne pourra pas échapper à un remake du deuxième tour de 2017 !

C’est une escroquerie qui risque de faire autant de mal qu’un pyromane dans la charpente de Notre-Dame.

La cause première de ce scénario probable est la division, avec une bonne dose de bêtise.

Il est impossible d’avoir la moindre chance dans les urnes sans union.

Sans faire soi-même ce qu’on reproche à longueur d’année au gouvernement, discuter, mettre son ego de côté et trouver un accord.

Parce que cette fois-ci les gars, Marine risque fort de moucher le golden-boy picard.

Surtout si vous votez pour elle.

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