Vous n’imaginez pas combien il est difficile de parler de ce sujet sans se mettre à dos la moitié de ceux qui liront cette chronique. Il parait que c’est à peu-près dans ces proportions que nos compatriotes jugent ce projet de réforme.
C’est ce que disent les sondages, c’est vous dire si c’est vrai !
Au premier mot connoté, à la première virgule qui fâche, le peuple de gauche brûlera cet hymne à la gloire du libéralisme sauvage et de sa sœur jumelle, la mondialisation.
A l’inverse, s’il émane de ces lignes un doux parfum révolutionnaire, certains y verront une ode à la défense du plus beau modèle social du monde, ce paradis qui permet à des feignasses de fonctionnaires de se la couler douce…
Le risque est de se mettre à dos 100% des lecteurs.
Pas le meilleur moyen d’être lu, 0 % de n’importe quel chiffre fera toujours 0. Peut-être un centriste, s’il en reste un et qu’il a du temps à perdre en prison…
Depuis la déclaration d’amour estivale de Neymar pour le PSG, on n’avait pas vu les télés et les réseaux sociaux s’affoler comme ça. Tout y passe, avec une subtilité proche de ce qu’on pourrait entendre dans un joyeux groupe d’ultras, à Leeds ou à Cracovie. Pour les fans de tango, il parait que les « Barras bravas » de Boca Junior sont les plus amicaux d’Amérique du Sud.
Rien ne vaut le vécu pour émouvoir son prochain.
Les témoignages insoutenables se multiplient.
Certains génies du calcul et de la prémonition ont réussi l’exploit de simuler ce que sera leur pension après la réforme, et annoncent des pertes qui flirtent parfois avec les 1000 €.
En face, ceux qui galèrent pour leur dialyse ou leur chimiothérapie feraient bien de se mettre à la trottinette électrique.
Un juste retour des choses, quand on a l’habitude d’entendre des journalistes ouvertement subjectifs s’exprimer dans des médias à la solde du grand capital. Alors que dans les années 70, Pif Gadget était la propriété de l’Humanité, organe de presse du Parti Communiste Français. En ces temps bienveillants, personne n’ouvrait sa bouche pour se plaindre du fait que les haricots sauteurs venaient de Cuba. Et l’ivoire du coutelas de Rahan d’une usine de Moscou.
Mais émouvoir ne suffit pas, encore faut-il pousser l’analyse politique jusqu’à dénoncer les coupables.
Pour une fois, l’ennemi ne vient pas de l’extérieur, Georges peut ravaler ses paroles derrière sa moustache:
« C'est pas un lieu commun celui de leur naissance Ils plaignent de tout cœur les malchanceux Les petits maladroits qui n'eurent pas la présence La présence d'esprit de voir le jour chez eux Quand sonne le tocsin sur leur bonheur précaire Contre les étrangers tous plus ou moins barbares Ils sortent de leur trou pour mourir à la guerre Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part »
Les immigrés, qui il n’y a pas si longtemps venaient manger la baguette des français, redeviennent inoffensifs et presque sympathiques. Au pire, le danger vient de la mondialisation, mais pas de ces hordes de barbares.
Les choses vont tellement vites à l’heure de Twitter !
Deschamps est le meilleur coach du monde et Neymar un super mec. Les migrants ont subitement cessé de chaparder tout ce qu’ils peuvent et d’égorger nos fils et nos compagnes, après avoir pris le soin de les violer.
Ils préfèrent rester dans les bois, manger des racines et s’enfiler entre eux, sauf quand ils trouvent un chevreuil.
L’ennemi vient de l’intérieur.
Pour ceux qui galèrent, il y a les riches, les banques et leurs alliés de la Macronie.
Pour les uns, il y a ces salauds du privé et ces salaires mirobolants, pour les autres, ces feignasses de fonctionnaires et leurs privilèges exorbitants.
Pas une journée sans entendre qu’en France, il y a assez d’argent pour augmenter les bas salaires, les retraites, les indemnités chômage, le nombre de salariés dans les services publics…
C’est tellement simple l’économie et la politique…
Il suffit de traquer l’évasion fiscale et de baisser les salaires des députés et des patrons du CAC 40. Pour les footballeurs, c’est plus compliqué, vendre du rêve n’a pas de prix…
Au début des années 80, Jean-Marc Rouillan et ses potes d’Action Directe ne badinaient pas avec le capitalisme. Ils avaient la gâchette facile et Georges Besse, pas celui de la chanson, n’est plus là pour s’en souvenir.
Aujourd’hui, le « romantisme » anar se cantonne au prix du carburant ou à la valeur du point de retraite.
Les révoltés d’aujourd’hui ne crachent pas sur l’institution, ils estiment au contraire que l’Etat peut tout faire, le bien comme le mal.
Pire, il leur appartient et se doit de mettre en œuvre ce qu’ils revendiquent, comme des supporters avec un club de foot.
Le statut du fonctionnaire est censé garantir la continuité du service de l’Etat ou de la Collectivité territoriale.
Une protection nécessaire et combien efficace contre les scandales de toute nature. Sans laquelle Truffaut n’hésiterait pas à glisser une petite enveloppe dans le gilet jaune de celui qui fleurit les ronds-points de la commune. Ou Monsanto pour que l’on désherbe des kilomètres de caniveaux à coup de bidon de Roundup, qui de toute façon, est interdit dans les jardins.
Les abeilles ne nous remercieront jamais assez…
Quand à un haut- commissaire aux retraites, son statut de fonctionnaire le rend insoupçonnable et indiscutable. Tout juste pourrait-on dire, pour qui verrait le mauvais côté des choses, qu’une tâche de cette ampleur a de quoi le rendre amnésique.
Après tout, être administrateur bénévole dans les assurances et à la fondation SNCF n’a rien de moins choquant qu’un bénévole des Restos du Cœur.
A peine une boite de thon et un paquet de spaghettis à gratter de temps en temps.
Et les 5368 € de rémunération mensuelle pour ses activités au service de Parallaxe, il faudrait être sacrément de mauvaise foi pour y voir quoique ce soit de gênant. D'ailleurs, si le directeur d’un think tank a l’excellente idée de lire ces quelques lignes, qu’il n’hésite pas à m’appeler au 0678985431. C’est avec grand plaisir, et non sans un certain honneur que cette plume si subtile se mettrait au service d’une noble cause.
Et puis que sont 5368 € par mois ?
Une broutille, juste 6 euros de plus qu’un Député, largement de quoi encaisser des flots d’insultes à longueur de journée dans les réseaux sociaux. Voir même, comme dernièrement, le retour de l’action directe.
Des permanences parlementaires vandalisées, des coups de feu tirés ou des manifestations devant leur domicile, certains élus LREM ont le bonheur de continuer le dialogue loin des bancs austères du palais Bourbon.
Sans revenir à Germinal, le syndicalisme s’est souvent dressé sur la route d’une exploitation de l’homme par l’homme qui faisait rarement dans la dentelle, sauf à Calais.
Fin de la Première partie