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CRAC CRAC


On a tous entendu un pote, un cousin ou un quidam imiter Chirac :

« A cet égard, c’est fondamental ».

Qui peut dire qu’il n’est allé lui-même de son petit :

« Alors écoutez, en tant que … Maire de Paris … »

Le Grand Jacques l’a été 18 ans !

Et pas seulement.

Haut fonctionnaire, Ministre, secrétaire d’Etat, Président du conseil général de Corrèze, Député, Député européen.

Premier ministre, deux fois.

Président de la République, deux fois.

50 ans d’une carrière politique invraisemblable.

Attachez vos ceintures, je vais vous narrer une histoire décoiffante et peu banale. Celle d’un petit fils d’instituteurs corréziens au charisme irrésistible et à l’insatiable appétit.

Sa jeunesse est aventureuse, à souhait, impétueuse et parfois romanesque.

Son Bac en poche, il embarque trois mois comme matelot sur un navire charbonnier avant de s’asseoir sur les bancs du Lycée Louis-le-Grand pour une année de maths-sup.

L’année suivante, il franchit l’Atlantique pour être auditeur libre à l’université d’été d’Harvard, avant de parcourir les States pendant douze mois…la mèche au vent au volant de sa grosse Chevrolet décapotable, non ça c’est juste un fantasme. L’occasion pour notre beau gosse de se fiancer à une belle américaine, puis de rentrer au bled pour faire de même avec Bernadette Chodron de Courcel, rencontrée à Sciences-Po.

Autant dire que notre trublion coureur de jupons va mettre un pied dans la Haute. Trois ans plus tard, il met le deuxième en épousant la riche héritière.

Fini les conneries et les écarts de jeunesse, son ambition politique est maintenant sans limite.

ENA, guerre d’Algérie, conseiller municipal de Sainte-Féréole, Georges Pompidou envoie son jeune loup dans l’arène des législatives pour arracher la circonscription d’Ussel à la gauche.

Contrat rempli, le Grand Jacques passe de justesse au deuxième tour face à une gauche complètement divisée.

Le « bulldozer » de Pompon est en marche, plus rien ne pourra plus l’arrêter.

Plusieurs fois ministre, il lâche le gaulliste Chaban-Delmas en 74 et aide VGE à se faire élire. Un Président dont il sera le Premier ministre pendant deux ans avant de démissionner:

« Je ne dispose pas des moyens que j’estime aujourd'hui nécessaires pour assumer efficacement mes fonctions de Premier ministre et dans ces conditions, j'ai décidé d'y mettre fin »

Du jamais vu dans la 5e République !

L’année suivante, en 77, il devient Maire de Paris, en devançant l’Union de la gauche de 2000 voix au deuxième tour !

En 81, avec 18% des voix, il ne passe pas le premier tour des Présidentielles.

Le lendemain du scrutin, il appelle mollement à voter pour Giscard, mais la permanence du RPR suggère de voter Mitterrand entre les deux tours. Une stratégie visant à faire de Chirac le chef naturel de l’opposition.

Ce qu’il deviendra après l’élection historique du leader socialiste.

Le RPR solidifie ses positions avec des succès multiples aux élections locales. En 83, il remporte facilement la mairie de Paris avec le grand chelem, vingt arrondissements pour sa liste.

En 86, la gauche prend une grosse bâche aux législatives, et le Président Mitterrand nomme le chef de l’opposition Premier ministre. C’est le deuxième séjour du grand Jacques à l’hôtel Matignon.

La première cohabitation permet au Président d’embarquer le numéro un du gouvernement dans une guerre de tranchée de laquelle il ne sortira pas vainqueur. Des ordonnances non signées, des réformes impopulaires, le socialiste savonne patiemment la planche de son futur adversaire.

Au premier tour des Présidentielles de 88, Jacques se fait manger par François, 34% contre 20%.

Le débat télévisé d’entre-deux tour n’arrange pas les choses :

« Permettez-moi de vous dire que ce soir, je ne suis pas le Premier ministre, et vous n'êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats à égalité […], vous me permettrez donc de vous appeler monsieur Mitterrand. » François Mitterrand rétorque aussitôt ironiquement : « Mais vous avez tout à fait raison, monsieur le Premier ministre. »

Quelques jours plus tard, le Maire de Paris ne dépassera pas les 46% ...

Après un deuxième grand chelem en 89 à Paris, la droite gagne les législatives de 93. Le RPR est le premier parti de France en nombre de sièges, ce qui nous vaut une deuxième cohabitation. A Edouard Balladur Matignon, à son ami de trente ans l’Elysée dans deux ans.

Dopé par les sondages, Doudou s’enflamme et déclare sa candidature à la magistrature suprême, embarquant le jeune Sarkosy et tant d’autres dans sa trahison.

Un an avant, personne ne miserait un kopeck sur Chirac. Il mène une campagne brillante, entre pomme et fracture sociale, tandis que Balladur ne réussit pas à se débarrasser d’une image trop aristocratique.

Le deuxième tour est une formalité face à un Jospin encore un peu tendre face à un tel animal politique.

Sept ans plus tard, Yoyo est prêt, il ne fera qu’une bouchée de son adversaire au deuxième tour, mais ne passera pas le premier…

Siphonné par Taubira et Chevènement, il laisse Le Pen se faire découper par un Chirac qui n’aurait jamais dû prolonger son bail à l’Elysée.

Mais quelle pourrait-être la morale de cette longue histoire politique ?

Tout le monde trahit tout le monde, et sont élus des hommes qui n’avaient quasiment aucune chance de l’être.

En 2007, la Madone du Poitou est complètement lâchée par les éléphants du PS.

En 2012, DSK est trahi par sa bistouquette, le champ est libre pour Hollande, officiellement soutenu par un autre corrézien, Jacques Chirac !

En 2017 …

Que dire, que les apparences sont parfois trompeuses ?

Comme beaucoup, j’ai été séduit par Mitterrand qui allait tordre le cou à des décennies de conservatisme, comme on disait à l’époque. Chirac m’agaçait plutôt, et sa marionnette me faisait à peine sourire.

Le jeune François participe en 1935 à une manifestation de l’Action française contre les « métèques »

Si on le soupçonne de sympathie cagoulardes jamais trop démontrées, il n’hésitera pas, plus tard, à s’entourer d’anciens collabos.

Décoré de la francisque en 43, on connait depuis le livre de Pierre Péan son amitié pour René Bousquet, responsable de 60000 déportations !

A vingt ans, Jacques Chirac vendait l’Huma sur les trottoirs de Sciences-Po.

Que voulez-vous, on fait tous des erreurs de jeunesse…

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