Maintenant que l’on se connait un peu, je me sens en mesure de vous avouer un fantasme. J’espère que vous ne m’en voudrez pas.
Depuis de longues années, je suis imitateur amateur.
J’imite la vache, ou la boite à meuh-meuh.
Pas à chaque fois que l’occasion m’est donnée, au comptoir de ces nombreux établissements où je pose mon coude gauche, le droit étant pris pour autre chose. Dans ces longues réunions de famille où le Champomy coule à flots, voire pire, seul dans la rue.
Non, quand je suis avec des enfants.
Là encore je rassure mes proches, je ne fais pas la sortie des écoles primaires, mais il m’arrive de recevoir ou de visiter des gens qui en ont.
Quel bonheur de ressentir ce talent sur mon public.
Les yeux exorbités d’un bébé dont la couche est aussi pleine que mon portefeuille est vide.
Cette gamine qui détourne le regard de sa tablette pour regarder partout, s’attendant à voir le bovin sortir de sous la table.
La plupart du temps le résultat est édifiant, le môme chiale, ce qui n’est pas loin du pléonasme.
Et en général, les parents apprécient moyennement.
Et mon fantasme là-dedans ?
Rien à voir avec ce qui se passe dans la couche.
C’est juste que j’aimerais créer un show, un spectacle, me produire dans les crèches, les écoles et les EHPAD.
Tourner dans tous ces établissements pour beugler.
Je n’ai pas eu le cœur de suivre Brigitte sur Sud Radio, mais je lui aurais bien demandé d’où peut venir tout cela.
Surtout que visiblement, je ne suis pas le seul.
Comme dans le SM ou le libertinage, il existe différentes versions de cette déviance.
On connait tous un joyeux drille spécialisé dans le cri de cochon à la fin d’un banquet. C’est toujours hilarant quoique pas toujours distillé avec discernement.
En particulier lors d’un mariage mixte franco-musulman…
Certains se sont spécialisés avec bonheur dans le cri de singe.
Personnellement, je m’y suis essayé devant l’enclos des chimpanzés au zoo de Vincennes avec un succès certain, que j’ai pu lire dans les yeux effarés des visiteurs présents.
D’autres préfèrent les tribunes, en particulier des stades de foot.
Il serait d’ailleurs juste de rétablir une vérité, ces joyeuses imitations ne sont pas réservées à ce sport.
Pour avoir participé à certains matchs de handball dans les années 80, je peux vous dire que le public de certaines contrées aimait bien rigoler un peu.
Je me rappelle d’une partie de plaisir à Zrenjanin, actuellement en Serbie, où nous avions été chaleureusement accueillis par des jets de pièces de monnaie.
Après ce moment émouvant, nous avions vraiment ri à ces magnifiques imitations de primates, en particulier mes coéquipiers moins blancs que moi, qui était moins noir qu'eux.
Autre moment d’émotion, un petit match à Alger à une époque où l’amitié entre les deux pays n’était pas au beau-fixe.
Dans un pays réputé pour l’aridité de son climat, nous avions eu la chance de recevoir une pluie de crachats en guise de bienvenue.
Ces comportements délicieux ne datent pas d’hier.
On pensait cela réservé au football italien, mais fort heureusement, le public dijonnais s’est récemment illustré lors d’un match contre Amiens.
Le capitaine picard, Prince-Désir Gouano, a pu apprécier la performance d’un de ces apprentis humoristes.
Ses réactions :
«Avec les valeurs que j’ai, je ne peux pas aller porter plainte. Ce serait ne pas donner une seconde chance à l’homme. Ça m’a fait mal, mal à toutes les personnes qui sont de la même couleur que moi mais dans la vie il faut savoir pardonner et tirer les bons enseignements de tout cela»
«Je ne suis pas un homme politique, je ne suis pas là pour faire des grands discours mais la meilleure des façons c’est le pardon pour qu’il puisse vraiment apprendre et que demain, avec un peu plus de recul, lorsque il regardera cette vidéo, il ne comprendra plus et il transmettra cela aux futures générations»
Sans commentaire, tellement ces mots sont frappés de sagesse et de dignité.
A une époque où vous portez plainte contre le voisin qui se met torse nu dans son jardin, ou le professeur qui n’a pas mis la moyenne à votre géniale progéniture…
Après le dramatique incendie de Notre Dame, on se disait que le pays avait peut-être vu dans ces flammes le symbole d’un peuple dont l’âme part en fumée.
Une sorte de mal pour un bien.
L’occasion d’une prise de conscience nationale, de se regrouper autour de valeurs communes.
Ceux qui dès le lendemain fustigent les riches qui ont débloqué un milliard en 24 heures, sont à peine démago.
Juste un peu.
Mais au moins, on pourra noter la dignité qui leur a fait porter le deuil pendant une journée.
Ce qui n’est pas le cas de tout le monde.
Le soir du 15 avril, Hafsa Askar, vice-présidente de l'UNEF Lille, a posté deux petits tweets sympas :
«Je m'en fiche de Notre-Dame-de-Paris car je m'en fiche de l'histoire de France.»
«Jusqu’à les gens ils vont pleurer pour des bouts de bois. Wallah vous aimez trop l'identité française alors qu'on s'en balek objectivement, c'est votre délire de petits blancs.»
On franchit un cap dans l’humour.
Les imitateurs c’est ringard, ça ne vaut pas une punch-line de stand up.
On l’imagine dans son spectacle à la MJC de Lille, « Wesh t’es raciste »
Il faut dire qu’en 2015 elle nous avait fait beaucoup rire avec ce tweet plein d’humour, sans aucune incitation à la haine raciale:
«On devrait gazer tous les blancs, cette sous-race.»