Ah, les séries…
Il n’y aura jamais de septième saison des Soprano, ni de sixième de Six Feet Under. Pas plus que de quarante et unième épisode de L’Homme du Picardie.
C’est moins grave, quasiment tous ceux qui s’extasiaient devant les cascades invraisemblables de Christian Barbier sont morts.
Ou en attente de l’être, bien calés dans un fauteuil de leur Ehpad.
Heureusement, la huitième de Game of Thrones est pour bientôt.
On n’en peut plus.
67 épisodes qu’on tourne autour du pot.
John Snow va enfin se taper tranquillement Daenerys, pendant que Le Limier règlera ses comptes avec son frangin Gregor, qui est loin d’être un gringalet.
Personnellement, si je devais choisir…
Les oiseaux chantent en ce printemps 2021.
Enfin ceux qui restent.
Ça fait un bail qu’on n’a pas vu de moineau dans le secteur. Trop de perruches, plus d’insectes ?
C’est dommage, leur gazouillis matinal était un vrai plaisir.
Il y a quelques années, le téléspectateur s’indignait après un reportage poignant sur les favelas sud-américaines ou autres ghettos de tous bords.
J’en connais qui ont failli s’étouffer avec leur Ricard.
Aujourd’hui, plus besoin d’allumer sa lucarne de 148 cm pour voir la misère.
Il suffit de se balader.
Sur les trottoirs d’une grande ville, inutile d’aller à Manille.
Des villes fantômes ont vu le jour.
Dans les no-mans-lands péri-urbains, entre une voie ferrée et une bretelle d’autoroute. Dans un bois, sur une plage, sur la rive d’un fleuve….
Des ordures, de la fumée, pas de doute, la vie est là, loin des yeux, loin du cœur.
Mais depuis l’automne 2017, une taxe de trop a amené le peuple à endosser un magnifique gilet jaune. Un vent de révolte et de liberté a soufflé sur l’Hexagone.
Une majorité de français était d’accord pour penser que trop c’était trop, et quelques dizaines de milliers de manifestants chauds-patates ont réussi à provisoirement infléchir une politique maladroite.
Les réseaux sociaux, les plateaux télé, les journaux et les radios en ont fait leurs choux gras.
Des braves gars, des inconnus, des crétins et des apprentis sorciers ont pris la lumière, jurant par tous les Dieux qu’on ne les récupèrerait pas.
Pas eux.
Nicolas, Marine, Jean-luc et les autres ont vu dans la convergence des luttes le troisième tour social qu’ils attendaient depuis si longtemps.
Le grand soir.
La parole s’est libérée…
Le « dégagisme » entrevu aux dernières présidentielles s’en est donné à cœur-joie.
Dans les années 80, la situation sociale s’était dégradée après deux chocs pétroliers. A l’époque, tout était de la faute des arabes.
Quarante ans plus tard, les français sont toujours malheureux.
Et c’est de la faute de Macron, des migrants, des riches, des homos et des juifs…
Et qui sait, de votre voisin.
Comment a-t-il fait pour se payer un pavillon deux fois comme le vôtre ?
Il doit avoir de sacrés revenus pour s’offrir la dernière Peugeot. C’est pas possible, il doit tricher.
Et son épouse !
Qu’est-ce qu’une aussi jolie femme fait avec ce tromblon ?
D’ailleurs, il vous a semblé apercevoir un chandelier à sept branches à travers sa fenêtre, que vous avez malencontreusement scrutée pendant deux heures avec des jumelles.
Voir dans l’autre la cause de ses tourments est une posture alléchante.
Mais qui parfois, nous dédouane de nous retrousser les manches et d’agir.
La huitième saison de Game of Thrones était la dernière.
Ce salaud de John s’est bien tapé la reine des dragons.
La salope.
Par contre, on en est au 127e épisode des gilets jaunes.
Malgré la mise au ban de tous ceux qui tapis dans l’ombre ourdissent un complot contre le peuple, les pauvres, français, catholiques, hétéros … sont encore assez nombreux pour venir manger quelques merguez sur les ronds-points.
Une belle satisfaction pour ceux qui à la fin du XXe siècle en ont construit des milliers dans notre beau pays.
La révolte de ceux qui sont contre, sans savoir s’ils sont pour quelque chose.
Ils font partie du paysage, avec un côté pittoresque.
Après avoir effrayé le quidam, le touriste et les commerçants, on a assisté à un retournement de situation où les gens viennent les voir avec curiosité.
Une espèce en voie de disparition.
Des tours opérateurs organisent même des séjours de découvertes des villes françaises, avec des haltes sur certains carrefours, des visites de camps de migrants et des safaris photos de SDF. Il n’est pas rare de voir des cars de touristes étrangers, de personnes âgées s’y arrêter pour faire quelques clichés et manger une petite saucisse, cuite au brasero.
Mais dans cette société mondialisée, la concurrence est rude.
On a su réagir de l’autre côté de la Méditerranée.
L’Algérie est un grand pays, avec des réserves d’hydrocarbures extraordinaires.
Longtemps sclérosée et engluée dans de basses querelles religieuses, la population a fini par en avoir ras-le bol, et a décidé de réagir en 2019.
La clique au pouvoir, après avoir pris soin de démocratiquement modifier la constitution a décidé de représenter Abdelaziz Bouteflika aux présidentielles.
C’est juste la cinquième fois, ce qui est très loin du record du monde.
Que le Général- Président se soit servi dans la caisse, sans oublier ses proches est presque un détail.
Non, ce qui a fait réagir le peuple, c’est le fait que le Président soit devenu virtuel.
Constamment en soins à l’étranger, au Val de Grâce ou en Suisse, sa dernière intervention publique datait de 2012 !
Et encore ses propos étaient inaudibles.
Depuis des années, personne ne l’a vu au pays.
Les grandes commémorations se sont faites avec…son portrait.
Trop c’est trop, des millions d’algériens ont défilé dans les rues.
Rien, pas un mot ni une image dans les médias contrôlés par l’Etat, ils se sont inspirés des français pour se faire entendre et ont lancé le mouvement des djellabas vertes.
Tout d’abord violents, les révoltés ont fait des trous dans les gazoducs, obtenant une hausse historique du SMIC local qui est passé à 20000 dinars, soit presque 180 €.
Le mouvement s’est ensuite essoufflé car en Algérie, il n’y a officiellement pas d’homosexuels ni de juifs, et finalement assez peu de boucs-émissaires.
Et surtout, malgré une politique de grands travaux ambitieuse engagée au début des années 2000, il y a trop peu de ronds-points dans ce pays.
Alors ils se sont retrouvés dans les logements en construction, c’est-à-dire partout, en étant à peu près tranquilles sur la date de fin des travaux.
Une concurrence s’est installée entre les gilets jaunes et les djellabas vertes.
L’industrie textile y a trouvé une bouffée d’oxygène salvatrice.
Et que dire de la part de la merguez dans l’agro-alimentaire.
Si on ajoute le tourisme social, ces mouvements ont contre attente, redonné le sourire aux PIB de ces deux pays.
Avant ouvrons un peu les yeux avant de raconter n’importe quoi sur l’économie ou la mort du petit commerce.