Comme le sont les deux personnages. La femme de S. est comme celle de Colombo, on en parle mais on ne la voit jamais.
Autre scénette vraisemblablement fictive se déroulant peut-être dans un établissement scolaire d’une région qui pourrait être parisienne.
N. a galéré tout le premier trimestre pour mettre sa classe de 2de Pro au boulot. Surtout les filles. Pas emballées par le demi-fond, pratiqué sur un terrain de foot en stabilisé rouge.
Celui qui colle aux pompes.
Et encore, ce petit monde peut s’estimer heureux, ils auraient pu faire de la course d’orientation dans la cour, ou du cirque dans la salle polyvalente. Si tout va bien, ils auront la chance l’année prochaine, de faire de la danse de salon.
Un peu de Tango dans ce monde de brutes.
Cette histoire est peut-être fictive.
Ou pas.
Depuis qu’ils sont bien au chaud dans le gymnase, ils « kiffent » le futsal.
Le contenu du cours d’EPS est plus que satisfaisant.
Etat d’esprit, investissement écoute et concentration, il voit même régulièrement des jeunes qu’on qualifie d’absentéistes.
Leur niveau sportif est tel, que le prof se demande comment il va bien pouvoir les évaluer.
D’habitude, c’est difficile de ne pas distribuer les 0.
Là, il se pose vraiment la question de savoir ce qui pourrait l’empêcher de dégainer les 20 !
Y. fait partie du lot.
Après une action et un but parfaits, N. le félicite :
- Vas- y salue ton public !
Bras levés, embrassades, roulade,…le jeune se marre, joue le jeu et sort toute la panoplie du joueur qui vient de marquer. Il finit en levant la tête, doigt pointé vers le ciel, qui là, s’arrête au plafond du gymnase.
- C’est pour toi tonton.
- Tonton ?
- Tonton Ben Laden, c’est la base Monsieur…
Pas question de faire de raccourcis ni de tirer un plan sur la comète.
Rien ne dit qu’Y. finira comme C.
Juste qu’on a de plus en plus de mal à ressentir l’unicité d’une République indivisible. Et pourtant, c’est la Constitution qui le dit.
Il y a clairement une France des quartiers, avec une culture et des valeurs bien éloignées du modèle que l’école tente de véhiculer.
Une école qui demande aux profs d’effectuer cette mission en étant absolument désarmés.
Le sacro-saint programme, qu’on doit suivre coûte que coûte, est devenu une abstraction que des têtes pensantes complètement déconnectées de la réalité élaborent.
Leurs collègues haut-fonctionnaires rajoutent du gaz dans l’usine en construisant des projets éducatifs, qui se déclinent à chaque étage de la pyramide, national, rectoral et d’établissement.
La magie du centralisme démocratique, version gauchère du ruissellement.
On envoie au mastic des personnes souvent instruites et cultivées, avec une vision classique de l’enseignement et des élèves. Des candidats évalués et recrutés pour leurs connaissances orthodoxes plus que pour leurs capacités pédagogiques. Avec pour mission d’aller au bout d’un programme inadapté, en suivant des méthodes la plupart du temps inefficaces, selon une organisation qui ne l’est pas moins.
Et le mastic peut se faire casse-pipe, quand la norme est d’envoyer les jeunes diplômés terminer leur formation dans une charmante bourgade de Seine-Saint-Denis. Le professeur expérimenté, agrégé et payé 3800 € par mois pour 14H00 de cours est sans doute plus utile au Lycée Louis-le-Grand.
Voire au Conseil supérieur des programmes, où cerise sur la bûche, il doublera son salaire.
Imaginons un jeune militaire, fraîchement recruté, qu’on enverrait en Syrie pour peaufiner sa préparation. Ou un néo-chirurgien qui entamerait sa carrière par une greffe cœur/poumons.
Qui peut le plus peut le moins.
Ce qui marche aussi bien pour les profs, ne peut que faire des miracles pour les élèves.
Sans aller piocher trop de chiffres, on peut dire que des dizaines de milliers de jeunes français sortent analphabètes de l’école primaire, ou sans rien du lycée.
Sans parler des perspectives professionnelles, aussi joyeuses qu’un lever de soleil sur une cimenterie du Val de Seine.
On peut faire tous les constats du monde, et les syndicats réclamer plus de tout, mais une chose est sûre.
La scolarité moyenne d’un élève revient à 102 000 €, ce qui fait 7500 € par an, de la crèche au Lycée.
Ça nous fait environ quatorze années passées par tous les français sur les bancs de l’Ecole.
Quatorze piges pendant lesquelles les meilleurs s’en sortent.
Beaucoup sortent avec rien, ou pas grand-chose.
Avec plus de haine et de ressentiment que d’apprentissages et de connaissances.
Une machine qui génère de l'échec, et qui entretient les sentiments pourris qui vont avec.
Alors que d’autres dizaines de milliers, les profs, font ce métier en espérant le contraire.