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GIPSY KING


La boxe est un sport extraordinaire.

Plus qu’un sport.

Des épopées.

Une mythologie.

Ceux, dont je fais partie, qui ne sont jamais montés sur un ring ne peuvent pas vraiment comprendre.

Et tout en haut, pas très loin de l’Olympe, se situent les poids lourds.

Louis, Foreman, Ali, Holyfield, Bowe, Lewis, Klitchko…

Sans oublier Tyson, champion du monde à moins de vingt ans…

Même si je n’étais pas toujours très frais en voyant ses matchs sur Canal au milieu de la nuit, je me rappellerai toujours de la lueur que ses adversaires avaient dans les yeux au moment de monter sur le ring.

Des colosses qui dépassaient le quintal, avec dans les gants de quoi assommer un bœuf, s’entraînant tous les jours et souvent issus du ghetto.

Ça ne les empêchait nullement de faire dans leur froc au moment d’entrer dans les cordes.

La trouille.

Seuls face à un gars qui allait les massacrer.

Seuls face à un fauve, votre vie en danger, dans ce cas les millions de dollars ne vous protègent pas plus que ça. Juste de quoi sertir votre futur fauteuil roulant de diamants.

Ou votre cercueil…

44 auront la lumière qui s’éteint après un passage entre les poings d’acier de Mike.

Iron Mike.

Une vie qui n’est pas un long fleuve tranquille.

Grandeur et décadence.

Des palaces à la taule.

Deontay Wilder n’est pas le fils de Billy.

S’il ne vient pas du ghetto, élevé par deux parents aimants, c’était un bagarreur de rue pas facile à se coltiner.

Beaucoup y ont laissé quelques dents, pour le plus grand bien des dentistes de Tuscaloosa, charmante bourgade de l’Alabama.

Pour autant, il se destinait à entrer à l’université, quand il a donné naissance à une fille handicapée.

Fini les bancs de l’école, à lui les rings de boxe.

En trois ans à peine il devient médaillé de bronze aux jeux olympiques, avant de le conduire au titre WBC des lourds en 2015.

Sans le comparer à Tyson, Wilder est un animal des salles de boxe.

40 victoires dont 39 KO, autant dire que le lascar a du punch.

Adepte du trash-talking, il annonce souvent vouloir tuer ses adversaires. Les 39 qui sont allés au tapis peuvent attester de sa férocité, de la brutalité de sa droite plus que de la précision de ses coups.

Tyson Fury est un personnage de roman.

Né en Irlande, il est le descendant du roi des gitans, champion de combats clandestins à mains nues.

Son père John, sera boxeur professionnel avant d’être condamné à onze années de placard. Il appelle son fils Tyson, en hommage à qui vous savez. Un bébé qui fait à peine 500 grammes à la naissance.

120 kilos plus tard, il devient contre toute attente champion du monde en détrônant Klitchko, invaincu depuis neuf ans.

Il fait un combat d’une grande intelligence, durant lequel il domine outrageusement l’ukrainien complètement déstabilisé.

Le roi de gitans est maintenant roi du monde.

Le moment qu’il choisit pour s’offrir un aller pour l’enfer.

Alcool, drogue, dépression et tentative de suicide, le géant de 2m06 atteint même les 180 kilos sur la balance !

Deux ans après avoir annoncé sa retraite, il se lance dans un improbable come-back, perdant 60 kilos avec Jésus Christ comme coach.

Autant dire qu’affronter un bombardier de bronze sur vitaminé est un pari risqué.

Mais le gitan est burné, intelligent et il croit en lui.

Et c’est surtout un boxeur surdoué, avec un coup d’œil et un jeu défensif hors normes.

Je laisserai aux spécialistes le soin de commenter le match, ou de m’expliquer en quoi Wilder a gagné.

Depuis les deux escroqueries pugilistiques de Mayweather, depuis un Golovkin-Canelo bien maîtrisé par le mexicain, depuis un gros Joshua-Klitchko, ce combat a tenu toutes ses promesses.

A six heures du mat sur le canap, même pas mal.

Fury a formidablement mené son combat, jusqu’à ces deux knock-down.

Celui du douzième semblait définitif, plus de son plus d’image !

On se demande quelles ressources l’anglais a pu aller chercher dans son grand corps inerte.

Pour d’abord se relever, et ensuite dominer les dernières secondes.

Confucius, son deuxième coach, doit être fier de lui.

Revenu de l’enfer et du punch bestial de l’américain.

Après l’avoir insulté tout le match, ainsi que les semaines d’avant.

« Espèce de clochard ».

Malgré toute cette violence, les deux hommes se sont longuement enlacés après le match, verdict pourri ou pas.

Quelque chose de fort.

Bien sûr, il y a du respect dans cette étreinte.

Mais pas seulement.

N’allez pas chercher un truc graveleux là-dedans, il y avait plus que du respect.

Au plus fort de la tourmente, en pleine dépression, le seul à s’être informé de l’état de Fury, c’est l’américain.

Le gitan lui a alors glissé que s’il voulait, il était d’accord pour le boxer !

Et le plus fou, c’est que Wilder a accepté.

Alors qu’il avait tout à perdre dans ce combat, en particulier la promesse du match qu’il attend depuis des années contre Joshua, et pour lequel il doit être champion en titre.

Le psychopathe est en réalité un saint homme.

Non seulement il boxe pour sa fille chérie, mais en plus il a sûrement sauvé la vie de Tyson Fury en lui donnant sa chance dans ce match.

A une droite près, improbable et terrible, il a failli tout perdre…

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