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LE SELFIE


Klaus Barbie est un humaniste allemand qui a fait fortune en commercialisant une poupée blonde vendue à des millions d’exemplaires à travers le monde.

Comme certains hommes d’affaire, il a décidé un jour de faire un peu de politique, histoire de rendre aux autres ce que la vie lui avait apporté.

Ses ennuis ont commencé le jour où certains petits malins se sont permis de produire des poupées brunes, voire même certaines à la peau pas très blanche.

La solution qu’il a alors envisagée pour mettre un terme à ce scandale n’a pas convaincu les juges un peu rigides qui ont mis leurs nez dans ses affaires quelques années après.

La France est un pays de libertés, et nous savons tous qu’il est de tradition de ne pas commenter une décision de justice.

Quelques philanthropes ont juste crus bon de souligner qu’il était cruel de sortir un vieillard affaibli de sa paisible retraite en Argentine.

Tout ça pour le condamner à une réclusion criminelle à perpétuité qui n’ira même pas au bout de la peine infligée.

En effet, Klaus décèdera derrière les barreaux trois ans plus tard, dans la jolie prison de Saint-Paul, à deux pas de la gare de Lyon-Perrache.

Un 25 décembre !

Un Etat dit de droit, peut s’enorgueillir de permettre à la pire crapule, au voleur de pomme comme au criminel contre l’humanité d’être défendu.

Par un baveux as du barreau, avocat du diable ou commis d’office, mais défendu.

En 1987, le sulfureux Me Vergès ne se privera pas de le faire pour « le boucher de Lyon ».

Tout comme pour Carlos quelques années après, le terroriste pas le chanteur, qui lui ne s’attaquait qu’aux canettes d’Oasis.

Alexandre Benalla est loin d’avoir le pedigree des criminels sus-cités.

Il se retrouve pourtant dans un tourbillon médiatique propre à l’époque que nous vivons.

Après avoir rendu une visite de courtoisie aux fringants pensionnaires d’un célèbre Ehpad, pas très loin des jardins du Luxembourg, il se retrouve confronté à la justice.

Tout ça pour quelques baffes données avec bienveillance pour fêter dignement le travail, le 1er mai 2018.

Un célèbre randonneur des années 10 a réussi à gravir les marches du perron de l’Elysée, point culminant du bassin parisien.

Cette ascension a été réalisée en solo et sans oxygène.

Un exploit que ne renierait pas Gaston Rébuffat.

Je ne sais pas si pour y parvenir, Manu nous a vendu du rêve, mais en tout cas il nous a promis un nouveau monde.

Un nouveau monde exemplaire, loin de ce qu’on avait pu vivre dans le passé.

Depuis sa naissance un beau jour d’octobre 1958, la cinquième République a connu nombre d’affaires politico-financières qui ont ébranlées le piédestal de la fonction suprême.

L’affaire Markovic.

Les avions renifleurs.

Les diamants de Bokassa.

Les frégates et l’attentat de Karashi.

Clearstream…

Les écoutes, les cabinets occultes, les emplois fictifs, les trafics d’influence, les financements douteux ou exotiques de campagne.

Les amis fidèles ou peu recommandables.

Les coulisses du pouvoir sont parfois dangereuses.

Et même mortelles.

Quelques cadavres célèbres en jonchent encore les parquets cirés.

Robert Boulin, le juge Renaud, le Prince de Broglie, Joseph Fontanet, René Lucet, François de Grossouvre…

Pierre Bérégovoy.

On meurt beaucoup sous la cinquième République.

Beaucoup trop et à chaque fois de manière inexplicable. En tout cas inexpliquée par la justice.

Une vague de vrais-faux suicides, parfois dignes d’une série policière où une mystérieuse main gantée aide le cadavre à appuyer sur la gâchette.

Post mortem.

Mitterrand n’est plus là.

Chirac a été condamné.

Sarkozy a quelques casseroles plus qu’encombrantes.

Après l’agité de Neuilly, les français se sont offerts un Président moins bling-bling. Une présidence normale.

Pas grand-chose à se mettre sous la dent, hormis l’affaire Cahuzac.

Tout juste une minable histoire de scooter.

Un 125 en plus, même pas un T Max.

Et puis Manu est arrivé.

Jupiter, descendu à pieds de l’Olympe pour gravir l’Elysée, nous promet un monde nouveau.

Bien loin des dérives politico-financières.

Un monde de transparence.

Malheureusement, on n’a plus de Gaston Deferre ou de Charles Pasqua, tous deux à la truculence pagnolesque. Des personnages qui fleuraient bon l’anisette et le chant des cigales.

Plus de barbouzes ou de parrains fichés au grand banditisme bien tapis dans l’ombre, pas bien loin de la lumière.

La République en marche donne sa chance aux jeunes.

Des chefs d’entreprise, des membres actifs de la société civile.

Des français pas encore pervertis par des années de pratique politique.

Une déclaration d’intention aussi louable que tristounette.

Des hommes politiques qui, s’ils ne tapent plus dans la caisse, ne nous font plus marrer.

Mais heureusement, Alexandre est arrivé.

Un vrai Pied Nickelé.

Filochard, Croquignol et Ribouldingue à lui tout seul.

L’affaire Benalla.

Une histoire invraisemblable dans laquelle un jeune de quartier se retrouve bombardé lieutenant-colonel réserviste de Gendarmerie !

Dans le cercle rapproché du Président, salaire de cadre sup, logement cossu dans Paris, accès illimité à l’Assemblée Nationale, …

Un ascenseur social comme on n’en fait plus trop chez nous.

L’histoire serait presque belle si Alexandre avait montré un peu moins d’entrain à participer à cette grande tradition française qu’est la fête du travail.

Un premier mai où visiblement il distribue quelques gifles amicales à des manifestants un peu trop zélés.

Et là crac !

La fissure !

Un smartphone, une vidéo et des réseaux sociaux.

Pas de bol.

Nous sommes dans un pays de droit, le bouillant chargé de mission à l’Elysée sera suspendu et passera même devant le juge.

Me Laurent-Franck Lienard aura la lourde tâche d’assurer sa défense.

Après quelques hésitations, la stratégie semble aussi huilée que dans une équipe de foot dirigée par Dédé.

Une grosse entreprise de com, avec une audition au Palais du Luxembourg devant les caméras de Public-Sénat, où un jeune garçon gominé et endimanché vient faire profil bas.

« Je suis bien éduqué…chez moi, on respecte la République…je vous présente mes excuses, je n’ai pas voulu blesser l’homme, mais j’ai manqué de respect à la fonction,… »

Et blablabla, et blablabla…

Presque crédible.

Limite émouvant.

Et là crac !

Encore ces maudits téléphones.

Un selfie avec Benalla qui sort son flingue comme un vulgaire caïd du Bronx ou des quartiers nord de Marseille.

Quel crétin !

Et surtout, qui peut le suivre maintenant ?

En tout cas pas son avocat qui a déclaré :

« En accord avec Monsieur Benalla j’ai décidé de quitter sa défense pour les faits du 1er mai », a posté Me Laurent-Franck Lienard sur sa page Facebook mercredi soir. « Je lui souhaite beaucoup de courage pour affronter la suite », a-t-il poursuivi.

Jacques Verges n’est plus de ce monde.

Si quelqu’un a le numéro de Dupond-Moretti...

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