Quoique pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche, je n’ai pas eu la chance non plus de faire mes premiers pas dans une cage d’escalier de la Grande Borne ou des Tarterêts. Ni même d’un petit paradis comme on a le bonheur d’en trouver en région parisienne.
Et oui Madame, ça s’appelle la classe moyenne.
Celle qui crache sans retenue au bassinet fiscal, et qui a souvent le mauvais goût de partir au Belambra club de Saint-Jean de Monts. Alors qu’à quelques kilomètres près, et accessoirement quelques euros, on peut sans problème s’envoler pour les Seychelles.
On peut difficilement parler d’une vie de bobo, trop loin du bois de Vincennes ou du ptit blanc de Nogent, et encore plus de la capitale. Et pourtant, mon enfance a été bercée par France Inter et Télérama, deux accessoires devenus essentiels dans la panoplie des personnes sus-citées.
Prendre un bain chaud le dimanche soir en écoutant le Masque et la Plume était un moment de plaisir exclusif et personnel, avant que la puberté ne vienne y rajouter un épisode moins contemplatif.
Mon Père, je dois vous avouer une faute impardonnable, j’écoute toujours la radio, mais plus sur 87.8. J’ai atterri, après de multiples voyages, sur RMC info. La faute à cette coquine de Brigitte, Lahaie pas Macron.
Bien qu’ayant apprécié à leur juste valeur les exploits de Richard Allan, Alban Ceray et surtout du génial Jean-Pierre Armand, j’ai pendant des années été séduit par la finesse et l’intelligence de cette femme sublime.
A tel point que, la belle partie sous d’autres cieux radiophoniques, je suis resté fidèle aux 103.1, la fréquence de l’odieux Jean-Jacques ou de Vincent le show. Mais aussi de l’immense Daniel Riolo, star incontestable des innombrables consultants football.
Heureusement que mes parents ne me lisent pas, ils n’ont pas encore internet, sinon je serais déshérité sur le champ.
Tout ce cinoche pour vous dire que sans ce rappel historique, vous n’auriez pas compris que je puisse entendre un professeur témoigner dans « Les grandes gueules », émission emblématique de la chaîne, de la situation joyeuse du Lycée Gallieni de Toulouse.
Un établissement qui visiblement atteste de toute l’attention que porte notre système scolaire, que certains qualifient encore de meilleur du monde, à l’enseignement professionnel.
On nous rabat les oreilles depuis des lustres avec l’Allemagne et son faible taux de chômage, en nous expliquant qu’outre Rhin, la voie professionnelle n’est pas de garage. Sauf pour ceux qui font mécanique, en espérant bosser chez Mercedes.
Chez nous, tout va pour le mieux dans le meilleur des hexagones.
Les filières sont prêtes à accueillir à bras ouverts tous ces futurs travailleurs.
Et l’alternance est un monde magnifique qui n’attend que les entreprises pour justifier son nom. Pas toujours facile quand on voit le nombre de ces lycéens qui ne trouvent pas de stage avant le bac.
Bref, ce sont des dizaines de milliers de jeunes qui se retrouvent orientés dans une filière qui les passionne autant que la montée des eaux sur les rives du Grand Morin. Sauf pour ceux qui ont le bonheur d’y habiter en ces temps pluvieux.
Mais je m’égare, revenons à Gallieni, qui comme chacun le sait n’était pas un mouton.
Le tableau dressé par ce prof nous donnerait presque envie de mettre nos enfants dans ce paisible lycée toulousain.
Drogue, armes blanches, une proportion importante d’élèves sous tutelle judiciaire, violence,…, une atmosphère propice au travail, d’autant que les élèves ne sont que 30 par classe !
Bien loin d’un amphi bondé de La Sorbonne.
Puis cet homme, qui semble être calme et raisonnable, évoque le recrutement des jeunes qui viennent paisiblement s’instruire dans cet établissement.
Initialement prévu pour ratisser tout le département, ce sont finalement les collèges d’un quartier moyennement favorisé qui y envoient les futurs bacheliers. Pas mal issus de SEGPA d’ailleurs, une voie dont on sait qu’elle favorise efficacement la réussite scolaire…
Mais d’après lui, ce qui est marquant, c’est qu’aucun de ces jeunes n’a choisi ces filières. Quitte à ne pas faire ce qu’on aime, autant apprendre à aimer ce qu’on fait!
Il qualifie ce recrutement de délirant, et nous annonce que les profs alertent leur administration de tutelle depuis bientôt dix ans, une époque bénie où Nico voulait karchériser les banlieues.
Devant la gravité d’une situation proche de la mise sous tutelle d’un bâtiment par des caïds du THC, le rectorat a enfin réagi en décidant de changer la direction du lycée, et d'envoyer une équipe de choc !
Peut-être ont-ils contacté Stallone, en attendant qu’il tourne Rocky 8 et Rambo 12. Ou sinon il y a Schwarzy, avant Terminator 9.
Manu, notre fringant Président, a mis les mains dans le cambouis en allant visiter la jungle de Calais, moins tropicale que son nom l’indique.
Une des GG de l’émission de RMC, a réagi le lendemain d’une rixe entre Érythréens et Afghans, qui cette fois s’est réglée en toute amitié avec un bilan inédit de plusieurs blessés par arme à feu.
Cette humaniste notoire n’a pas hésité à qualifier les belligérants de bêtes sauvages. CQFD, elle nous annonce droit dans ses bottes que dans ces conditions, pas étonnant qu’on soit dans une jungle !
Quel est l’animal le plus propre ?
Nous sommes beaucoup à suggérer que c’est sans doute le chat, tant ce félin passe ses journées à faire sa petite toilette. Contrairement au chien qui lui se lèche le cul après avoir reniflé celui de ses congénères.
Et bien imaginez une fosse à purin, dans laquelle se pavanent habituellement des cochons du coup plus très roses, avec le confort spartiate qui va avec. Un trou qui sert à la fois de mangeoire, de salle de bain, de chambre et de toilettes.
Autant vous dire qu’y enfermer une vingtaine de matous pendant plusieurs semaines remettrait sérieusement en cause la délicatesse légendaire des greffiers, fussent-ils de gouttière.
Les ghettos de tous ordres ne sont pas toujours les meilleurs endroits pour s’instruire, développer un sens critique, ou tout simplement y vivre paisiblement.
Il y a quelques années on voyait des reportages sur les favelas de Rio, de Manille ou d’ailleurs en se disant la vie n’était pas tous les jours facile dans ces contrées exotiques.
Mais aujourd’hui, même si on ne veut pas les voir, ces ghettos ne sont plus très loin.
Au bord d’une autoroute, dans un bois.
Sur un trottoir, jadis squatté par des prostituées, d’une capitale européenne.
Sous nos fenêtres, et visiblement déjà derrière certains murs de l’Ecole de la République.
On envoie les profs au casse-pipe, bien souvent les plus jeunes et les moins bien payés.
Jacques nous avait vendu une « fracture sociale » au crépuscule du XXe siècle.
Pas persuadé que les choses se soient arrangées.
Ni que la République soit si une et indivisible que ça.