Le cinéma de JP Mocky n’est pas forcément le plus subtil qui soit.
Moins bon, à mon avis, que le « Coup de tête » de JJ Annaud.
Mais dans les deux cas, un film qui montre que le foot ne charrie pas que de bons sentiments. Il ne s’agit pas de faire le procès d’un sport aussi magnifique qu’universel, mais de montrer qu’il peut trop souvent être un théâtre où s’expriment des choses proches des poubelles de l’humanité.
Dans « A mort l’arbitre », Eddy Mitchell, droit dans ses chaussettes noires, met un coup de sifflet qui déplaît fortement à un Michel Serrault déjanté à souhait. Notre rockeur survivant est alors traqué par une horde de supporter assoiffés de sang, alors que se profilait une bonne cartouche avec Carole Laure, ce qui convenons-en, est quand même plus sympa que de se faire tuer à coups de barres de fer.
Evidemment, chacun peut voir où je veux en venir. Depuis le 14 janvier dernier, des millions de Michel Serrault veulent se payer le scalp d’un Tony Chapron pourtant aussi chevelu qu’une boule de billard.
Un flot de venin, un tsunami médiatique alimenté sans vergogne par tout un peuple, une France unie comme jamais. Les présidents, journalistes, coachs, managers, chroniqueurs, joueurs, plombiers, …tout le monde s’y met.
J’imagine ce qui doit se dire au comptoir des bistrots, les langues déliées par les hectolitres d’anisette et de ptit blanc qui s’y déversent allègrement.
Et je laisse votre imagination fertile en faire de même avec de croustillants dialogues ayant pour thème principal l’orientation sexuelle de ce brave Tony, à moins qu’il ne soit question du métier de sa pauvre mère.
Il n’y a pas une émission ou un reportage où un des acteurs de ce sport ne critique l’arbitrage. C’en est presque devenu le sujet principal, reléguant souvent l’analyse sportive au second plan.
Et que dire du rugby, ce sport où les valeurs humaines sont si fortes, et les commotions cérébrales si rares.
Mourad Boudjellal, le sémillant Président du RCT a été condamné récemment à huit semaines pile de suspension de vestiaire pour avoir remis en cause les compétences d’un directeur de jeu.
Et pourtant, il s’est montré moins démonstratif que la fois où il avait parlé de « sodomie arbitrale », version paramédicale du fameux :
« Putain, on s’est fait enc…par l’arbitre ».
Ce qui me choque dans tout ça n’est pas ce déferlement médiatique contre un homme même pas en noir.
C’est plus cette paranoïa nationale et généralisée, cette haine plus que palpable qu’on peut ressentir dans les gymnases, sur les routes, dans les hôpitaux ou les écoles. Un délire de persécution national qui amène à voir l’autre comme un ennemi qui par définition vous veut du mal.
Et là, on n’est plus seulement dans le foot.
Il suffit d’entendre une brave mère de famille cracher son venin dans les tribunes d’un match de hand entre gamins de douze ans, en direction de l’équipe adverse ou mieux, d’un arbitre pas encore entré dans l’adolescence.
Ou un père, que l’égalitarisme ambiant m’oblige à qualifier de brave et de famille, qui insulte un instituteur ayant eu la cruauté de ne pas mettre la moyenne à son rejeton.
Et ne parlons pas du grand-père qui croit deviner que la jeune femme qui s’arrête devant lui pour se garer exerce par ailleurs un métier dont on dit qu’il est le plus vieux du monde.
Laissons plutôt ce fringant senior profiter des dernières semaines que son cancer lui accorde pour biner son potager
Pour être honnête, une fois n’est pas coutume, et pour revenir au foot, il est une voix qui s’est élevée pour défendre M Chapron, celle de l’immense Daniel Riolo, journaliste sur RMC.
Et surtout de rappeler que dans ce sport, on a relevé l’an dernier cinq mille agressions verbales ou physiques d’arbitres, dont quatre cents ont donné suite à des poursuites judiciaires !
Alors qu’un homme, dépositaire d’une autorité et devant maîtriser ses nerfs en toute circonstance, pète un câble et tacle un joueur qui l’a involontairement bousculé…
Un homme en permanence pressurisé et intimidé par des multimillionnaires en crampons, d’autres en costard, insulté par des crétins, pas toujours des Alpes, dans les tribunes…
Le même qui pourrait entrer sans frapper à 8H12 dans la salle 105, au premier étage d’un établissement scolaire à peine imaginaire de l’obscure banlieue d’une grande ville pas très claire, d’un pays dont la forme serait hexagonale.
Après un périple invraisemblable commencé dans la morne Brie, et péniblement terminé dans une ville légèrement congestionnées.
Ça s'appelle un retard, durement réprimandé par le règlement intérieur du Collège Victor Hugo pour les élèves.
Le même qui interdit l'usage du téléphone portable, là-encore pour les élèves ...
- Bonjour Monsieur.
- Ouais.
- Rien de grave j’espère ?
- C’est bon wesh, le bus était en retard !
- Oui ce sont des choses qui arrivent. On peut s’asseoir ?
- Vas-y bouffon, respecte moi un peu !
Et comme ce pauvre Diego Carlos qui prend un rouge venu de nulle part, on imagine cet élève qui après avoir pris une torgnole, est exclu en permanence avec quelques lignes à faire pour réfléchir à son attitude inadmissible…