#Balancetonchauffard
- Admin
- 22 oct. 2017
- 5 min de lecture

« Vas donc eh patate !»
Si vous voulez, on peut remplacer ce fameux tubercule par « connard », et là, on franchit tout de suite un cap.
Je ne sais pas trop s’il était de bon ton d’insulter les Goths, les Romains ou plus récemment, nos cousins Germains avant de charger l’ennemi sabre au clair ou baïonnette au canon ?
Un petit « Sale boche », est sans doute un bon moyen d’aborder les deux secondes qu’il vous reste à vivre avant de vous faire déchiqueter par une rafale de mitrailleuse lourde. A moins que vous n’ayez une préférence pour le tir de mortier.
Comment en vouloir à celui qui se doute bien que sa durée de vie ne s’annonce pas sous les meilleurs hospices de se lâcher un peu verbalement ? Toujours plus délicat que de tacher son pantalon dont on comprend ici pourquoi il est de couleur kaki. Hormis un récent épisode balkanique, on a un peu de mal à trouver un vrai champ de bataille dans le vieux continent. Alors « qu’une bonne guerre, ça nous ferait pas de mal mon bon Monsieur ».
Heureusement pour nous, il reste la route et les tribunes de certains stades pour permettre à la parole de se libérer, de manière plus sonore et moins virtuelle que dans les réseaux sociaux.
-Allez- y Madame, je vous en prie.
- Mais je n’en ferai rien, vous étiez là avant moi…
Ces scènes de courtoisie élémentaires sont de plus en plus rares dans nos contrées civilisées, en particulier sur un réseau routier parisien que l’on peut qualifier de saturé. Le français est maladivement indiscipliné, et fort heureusement, nos chères autorités ont décidé de veiller sur notre santé en tapant là où ça fait mal, au portefeuille. De 18 000 en 1972, le nombre de tués descend de nos jours sous les 4000, ce qui est une bonne chose, surtout pour les 14 000 qui, si ça se trouve, ne savent même pas qu’ils auraient pu mourir !
Je suis fier de vous dire ici, que le Ministère de l’Intérieur m’a annoncé pas plus tard qu’hier matin, que, aux termes des dispositions du 2e alinéa de l’article L.223.6 du code de la route,… mes points perdus… me sont restitués.
Je puis vous dire qu’en ce 21 octobre 2017, j’ai l’honneur de faire partie de la caste de ceux qui ont le privilège d’avoir 12 points sur leur permis.
Ce qui n’a pas empêché ma chère fille de gentiment me dire une fois que j’avais une tête de con sur la photo.
Mais ma situation n’est-elle pas plus enviable que celle d’un beau gosse avec 2 points sur son papier rose ?
Autant dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes bitumés. Non seulement des milliers de compatriotes peuvent tranquillement continuer à consommer du Round up plutôt que de la racine de pissenlit, qui visiblement n’est pas très bonne pour la santé. Mais surtout, j’ai la conscience tranquille, celle du bon citoyen qui peut dormir sur ses deux oreilles, avec le sentiment du devoir accompli.
Franchement, ce que j’entends ou vois depuis les quelques décennies que j’arpente le pavé de cette belle région n’est pas de nature à me conforter dans la foi que je peux avoir dans l’être humain.
Si on peut voir une corrélation entre la répression impitoyable de l’alcool, de la vitesse et du téléphone au volant et la baisse de la mortalité, je ne suis pas persuadé que la tendance soit des plus joyeuses.
Faire des roues arrières en motocross à la sorties des écoles, sans casque sinon c’est pas drôle, rouler à 140 décibels sur une pocket bike, insulter qui ne démarre pas au bout de 5 dixièmes de secondes au feu vert, accélérer quand vous traversez sur un passage piéton, avec une poussette c’est plus marrant, bloquer un carrefour en s’engageant alors que ça ne peut passer, déboiter subitement sans clignotants, … Je ne parle même pas d’un automobiliste qui il y a quelques années m’a envoyé bouffer du goudron avec mon deux-roues, et qui est sorti vérifier l’état de sa bagnole sans un regard pour moi. Quant à ses premiers mots : « Vous rouliez trop vite ! »
Je pourrais vous en coller des tartines sur plusieurs pages, une liste des comportements incivils ou dangereux qui ne sont jamais sanctionnés.
Et que dire des échanges d’amabilité concernant le travail de la mère d’untel, des pratiques sexuelles d’un autre ou de sa provenance régionale ou nationale.
Ce qui peut étonner aussi, c’est que certaines paroles moyennement polies sortent parfois de bouches aussi délicates qu’inattendues, sur la route comme dans les stades. Plus besoin d’être le Jean Yanne du permis de conduire pour insulter son voisin d’asphalte. Tout le monde s’y est mis, et dans ce domaine, l’égalité hommes-femmes se porte mieux que pour les salaires.
Mesdames les Chiennes de garde, allez-vous me clouer au pilori de la misogynie si je vous dis être parfois choqué par un petit « va te faire enc… » au féminin ?
Allez, une petite anecdote, promis, c’est la dernière !
Parking d’un hypermarché, début d’après-midi un samedi, autant dire que je n’étais pas tout seul à avoir eu la bonne idée de faire mes courses.
Après 6 tours, je dois bien me résigner et comprendre qu’il n’y a aucune place de libre. La cafetière en ébullition et au bord du suicide, je finis par repérer quelqu’un qui part. Ou plutôt qui va partir ! Après un remplissage de coffre méticuleux, un retour de caddy assez lent, un réglage de siège, de rétro et d’autres détails, la place promise se libère enfin après quelques manœuvres subtiles. Et là crac ! Pas de microfissure sur le pare-brise, mais une Citroën Xanthia vert bouteille qui ME vole la place. Un sénior au volant, je suis sur le point d’étouffer l’affaire par respect immodéré pour le 3e âge, quand le sémillant vieillard me tend un doigt qu’il me faut bien qualifier d’honneur !
Je suis resté scotché, et plus de 15 ans après, je suis toujours traumatisé.
Ça peut paraître normal de se voir délester d’un point et de 45 € si on roule à 111 km/h une ligne droite de 9 km de la N10 du côté de Parentis en Born. Voir de 4 points et 90 € pour le dangereux criminel qui se fait piéger par un feu orange.
Par contre, traiter de salope une petite dame qui cherche son chemin est surement beaucoup moins grave.
Fabio Fognini, le bouillant tennisman italien, n’a pas bénéficié de la même clémence. Il vient d’écoper d’une amende de 96 000 $ pour avoir élégamment qualifié une juge de ligne de « suceuse de bite » au dernier US open.
Trump, Fabius, Berlusconi, de nombreux élus de la République, le Général de Gaulle et même le Dalaï Lama ont en leur temps tenu des propos moins vulgaires mais plus sexistes, en toute impunité.
Certaines pointures sont souvent intouchables, mais ce sont surtout certaines victimes qui sont moins égales que d’autres devant la loi. Ce bon Harvey va fort heureusement l’apprendre à ses dépens, et on espère qu’il ne sera pas le seul.
Je crains fort que justice ne puisse être rendue à toutes les victimes de ce genre d’individu ! Je dois avouer que j’ai très rarement été victime de harcèlement sexuel, mais j’imagine le traumatisme que doit subir la victime.
Quinze ans après, le doigt d’honneur de ce citoyen au-dessus de tout soupçon me turlupine toujours.
Si j’avais pu tweeter sur #Balancetonchauffard, vous n’auriez pas eu à subir ces quelques lignes…