Ayant avecques lui toujours fait bon ménage J'eusse aimé célébrer sans être inconvenant Tendre corps féminin ton plus bel apanage Que tous ceux qui l'ont vu disent hallucinant.
Malheureusement, ce petit quatrain n’est pas de moi, mais de Georges. De mémoire de moi-même, ce qui est de moins en moins fiable, c’est la première fois qu’un chanteur français aborde ce sujet essentiel. Certains poètes du rap ont depuis apporté leur pierre à l’orifice, mais c’est pas tout à fait pareil. Trouver un joli nom à ce qui fascine n’est pas chose facile et Maxime va lui aussi s’y coller, sans précisément le nommer.
Là où la peau est plus tendre, Juste à côté De ces grains d’or et d’ambre, Là où mes doigts Glissent sur la soie Vers cet émoi Que je pressens Dans un tremblement.
Mais Brassens lui-même, s’il regrette certains mots, avoue son impuissance à en trouver un joli.
Alors que tant de fleurs ont des noms poétiques Tendre corps féminin’ c’est fort malencontreux Que la fleur la plus douce la plus érotique Et la plus enivrante en ait de plus scabreux … Que ce morceau de roi de votre anatomie Porte le même nom qu'une foule de gens. Le con ! Quelle horreur, heureusement, l’argot fleuri de San Antonio et de certains autres nous offre des chattes, moules, moniches, cramouilles, chagattes ou minous qui sont quand-même plus croustillants que ce vocable de trois lettres.
Mais à part relater un banquet d’anciens Stadistes ou une troisième mi-temps du Rugby club de Brie Comte Robert, le rapport entre ce type de poésie et le sport n’est pas toujours facile à déceler.
Et en particulier dans les fameuses interviews, où on bouffe du « voilà, on a pris les trois points », ou du « on va se remettre au travail et prendre match après match » à la pelle. Il est inutile je crois, de faire une liste qu’on a tous en tête, un florilège des banalités qu’on peut entendre en pareil cas. Autant se coltiner, si on en a envie, le compte rendu de la dernière AG des copropriétaires de la résidence du clos des cascades, dans la ville que vous voulez à condition qu’elle se trouve en Seine et Marne.
On pourrait se rappeler d’interventions moyennement subtiles de judokas, handballeurs ou rugbymen légèrement alcoolisés certains soirs de victoire durant quelques émissions tardives, ou les réflexions toutes en nuances d’un commentateur de patinage artistique.
Mais imaginons une seconde, un footballeur élégamment crêté, tatoué et percé nous parler de bite ou de chatte, au lieu de nous vanter les mérites du 4-2-3-1, à la sortie d’un extraordinaire match nul de la Berrichonne de Châteauroux, dont Michel Denisot est d'ailleurs toujours vice- Président. Le tout à la troisième journée de cette Domino’s Ligue 2 que le monde entier nous envie.
Mais ce que personne n'ose imaginer, même dans ses fantasmes les plus osés, nos fringants champions du monde d'athlé l'ont fait.
Kévin Mayer, le nouveau superman du décathlon, aurait pu se contenter de confidences bien éloignées du conte de fées ou du mythe du plus beau jour de sa vie:
" Honnêtement, j'avais qu'une envie, c'était d'en finir. Tellement ça a été dur, tellement j'en peux plus, j'arrive pas à réaliser que je suis champion du monde. Limite je m'en fous, c'est juste que j'ai fini. J'étais tellement stressé, tellement relou avec tous mes potes, avec toute ma famille que fallait que ça se termine un moment donné."
De la joie certes, mais aussi de la souffrance, Kéké la braise a la délicatesse de prévenir le journaliste que l’aspect gastrique de sa performance n'est peut-être pas le plus passionnant:
" Franchement je sais pas quoi dire. Si vous voulez que je vous raconte une histoire, étant donné que j'ai passé la moitié de mon temps aux toilettes ces derniers jours, ça va être un petit peu moche."
Et pour le côté pile:
« Il y a eu un tas de commentaires sur ce saut réussi de justesse à 5m10 à la perche. Certains ont dit que si je ressemblais à Rocco Siffredi, je n’aurais pas franchi la barre. Pour une fois que c’est un avantage. »
A la consultante qui réagit en direct :
« Et toi, tu dis pas de bêtise Antoinette, tu parles pas de ta chouchoune ? »
Le tout sur France télévision à une heure de grande écoute…Pierre Ambroise Bosse avait très largement ouvert la voie, mettant en scène son chat Rabs qu’il présente comme son coach :
« Il a su être très convaincant, malheureusement ce soir j’ai des remontées gastriques. Il ne donne pas que des bons conseils. Il m’a demandé de m’hydrater, c’est ce que j’ai fait, mais il m’a également obligé à manger des Whiskas deux jours avant la course. Et ça je lui en veux un petit peu parce que c’est pas top. »
Et deux jours avant les interrogations anatomiques de Kevin, au même micro, à côté de Renaud Lavillenie, PAB avait largement planté le décor :
« Votre soutien me fait chaud au cœur, je ne me suis jamais senti autant soutenu que cette année. Alors que Renaud me fait du pied en ce moment même, je deviens très excité soudainement, il va falloir que je quitte le plateau. »
Que dire de plus ? Pas grand-chose, largement de quoi mettre Julien Cazarre ou Rémi Gaillard au chômage. Si certains pourraient s’offusquer de ces blagues de potache, je préfère largement ça aux mièvreries qu’on entend d’habitude et qui manquent singulièrement d’humour et d’à-propos.
Comme dans ce chef-d’œuvre de Kéké quand il répond à ce tweet sur la beauté de la race blanche :
« C’est pas puni par la loi ce genre de tweet ? En tout cas, Eléonore, si deux races d’humains existaient, nous ne serions pas de la même. »