L’heure du bilan a sonné, et comme à la fin de toute foire, on est censé compter les bouses. Et dans ce Mondial 2017, il faut bien dire qu’on a du mal à en trouver la moindre. La copie est parfaite, et si on doit de temps en temps mettre un 20/20, c’est bien là qu’il faut le faire.
9/9. Le bilan comptable est parfait. Si on prend le France / Pologne de la phase de poule pour ce qu’il est, les bleus n’ont été en réelle difficulté qu’en quarts contre les suédois. -1 à la 49e minute, c’est tout d’abord Vincent Gérard qui empêche les scandinaves de faire l’écart. Avant que Kentin Mahé, le plus suédois des français, n’égalise sur pénalty, et que Nedim Remilli, le plus cristolien d’entre eux, ne marque deux fois.
La finale a été serrée en première mi-temps, avant que les norvégiens ne passent à la broyeuse, comme tant d’autres souvent privés de médaille d’or. J’entends régulièrement que le retour des vestiaires, en début de deuxième mi-temps, est essentiel, mais je pense depuis longtemps que les cinq dernières de la première donnent le ton.
Les scandinaves ont largement dominé jusqu’à mener 16/13 à la 25e. Depuis quelques minutes, Vincent Gérard fait ce qu’il faut pour instiller le doute dans les têtes forcément blondes. Ludovic Fabregas prend deux minutes, et là, patatras, 5/1 pour la France. Le match est plié, et ce n’est pas un nouveau 5/1 à la reprise qui inversera les choses. 10/2 en onze minutes !
Pour battre les bleus dans une finale mondiale, il faut un grand gardien et au moins un joueur en état de grâce, comme le fut Hansen à Rio. Ce que Miky a fait aux JO, Sagosen n’en a pas été capable, auteur d’un pauvre 1 sur 5 au tir, agrémenté de deux assists.
Au niveau du contenu, ce que nous ont montré les français est remarquable, comme l’est le nombre d’assists par match. Encore 19 en finale ! L’ADN défensif et combattif n’a pas pris une ride, et la palette s’est enrichie d’une variété dans le jeu et les joueurs. Le tout en respectant les fondamentaux du hand, comme écarter, prendre sa balle lancé, libérer son ballon dans le bon timing.
Cette équipe nous a régalés, elle a progressé dans le domaine du jeu. Le débat de la dépendance à certains cadres, le vieux conflit des anciens contre les nouveaux a presque été relégué au niveau de la pure discussion de comptoir. Que certains, comme Daniel Narcisse ou Thierry Omeyer, en soient à leur cinquième titre mondial, comme d’autres à leur premier, ne semble pas avoir eu de prise sur la qualité du jeu pratiqué.
C’est sans doute la grande victoire du duo Dinart-Gille, qui avant et pendant cette compèt, a multiplié les choix pertinents. Et aussi celle de Claude Onesta, qui au bout du bout de sa démarche, a pris le recul nécessaire pour que Guillaume et Didier puissent s’affranchir du Padre. Historiquement, on connait la tendance des anciens coachs à savonner la planche de leur successeur. On ne saura jamais si les choses sont arrivées de manière aussi fluide qu’on a bien voulu le dire, mais c’est en tout cas ce que l’histoire retiendra. Et que cette belle victoire validera.
Ce qui pouvait passer pour un pari assez osé, se révèlera finalement un coup de maître au lendemain de la défaite olympique.
Le surnom d’experts s’applique autant aux joueurs qu’au staff, et à tous ceux qui ont œuvré pour ce sixième titre. Une somme de compétences incroyables, au service d’un objectif sportif, la banalisation de ce qui paraissait irréalisable. C’est précisément cette permanence dans la performance qui est incroyable.
Pour réussir et durer, Onesta a eu l’intelligence de donner les clés du camion à des cadres qui ne l’ont jamais déçu, et auxquels il est resté fidèle coûte que coûte. Mais il a toujours su faire respirer le groupe, par choix comme par nécessité. Des gars qui ne sont jamais arrivés en affichant certains particularismes, mais pour recevoir ce que les anciens avaient à leur transmettre. C’est peut-être là la vraie victoire des Experts, plus que sportive. On se souvient encore de France 98 et de la génération Blacks/Blancs/Beurs qu’on a essayé de nous vendre à cette époque, avec Zidane qui plante deux pions en finale. Le symbole était beau et son exploitation tentante, mais la suite nous a montré que cet élan aura bien du mal à aller plus loin qu’une bonne fiesta sur les Champs. Presque 20 ans après, certains voyants nous rassurent. 12 minutes de pub à la mi-temps en finale sur TF1, Patrick Bruel dans les tribunes, on est sûr que le handball a franchi un cap.
Sans en rajouter sur le discours des valeurs, on peut toujours rêver et imaginer que l’Ecole, l’Entreprise et la Famille s’inspirent des recettes de cette équipe pour affronter un XXIe siècle qui ne s’annonce pas forcément des plus conviviaux.
Mais en ce dernier jour de janvier, alors qu’une française est devenue Miss Univers, la chose la plus insupportable est surement que la France n’a pas gagné l’Eurovision depuis 40 ans. Marie Myriam…
Alors profitons de cet élan d’optimisme et envoyons deux de nos Experts à Kiev, pour l’Eurovision 2017. Ce sont des machines à gagner, et ils ne peuvent pas faire pire que ceux qui échouent depuis 39 ans.