Pour les quelques jeunes lecteurs qui interrompraient ne serait-ce que quelques secondes leur passionnante chasse aux Pokémon, je me sens redevable d’un devoir de mémoire.
On n’a maintenant plus de poilus, et les résistants qui auraient survécu aux douces attentions germaniques commencent sérieusement à travailler du chapeau. Et puis tout le monde la connait leur histoire, y’en a marre au bout d’un moment.
La jeunesse des années 70 n’a pas vécu de restrictions, capillaires, alimentaires, politiques ou religieuses. Dans l’ensemble, c’est même plutôt le contraire qui s’est produit. Il n’est pas question ici d’en faire l’apologie, ni de se lancer dans une analyse visant à y voir la cause des maux qui aujourd’hui se propagent. Conduire sans ceinture, une clope au bec et une canette à la main, le tout à 160 km /h pour les petits veinards qui avaient une R16 TS, n’avait rien de choquant.
L’école restait un véritable ascenseur social, et personne ne nous pourrissait la vie avec le chômage, le cancer ou le réchauffement climatique. On balançait déjà un peu de gadoue dans les calanques, mais tout le monde s’en foutait.
Un peu jeune pour Woodstock ou l’ile de Wight, mon côté hippie s’est limité à une paire de Pataugas, des disques de Maxime, une tunique noire en crêpe et une écharpe, violette quand elle était propre. Quoique curieux de beaucoup de choses, je ne me suis jamais vraiment lancé dans des expériences de vie qui aujourd’hui paraissent un peu extrêmes. Et pourtant. Tout ce qui va venir est du vécu comme on n’en fait plus guère au XXIe siècle. Faire 800 bornes en bagnole avec un conducteur et son copilote qui fument chacun un paquet de cibiches pendant le trajet. Toute ressemblance avec des personnes aussi connues que sont des parents pour leurs enfants serait évidemment fortuite. Promis, si jamais ma division cellulaire s’emballe un peu, je consulterai un avocat pour savoir s’il y a ou pas prescription. Un bon procès à ses géniteurs est certainement le meilleur moyen de définitivement régler son compte à cet abruti d’Œdipe dont le complexe pollue l’existence de tant d’enfants.
Prendre sa douche avec les nanas en cours d’EPS en troisième, à un âge où les hormones viennent chatouiller les corps et les neurones de ceux qui ne sont plus des enfants. Le tout justifié par une éducation sexuelle et corporelle officiellement au programme du collège. Et on parle de celui de la République. Je ne sais pas si les technocrates en charge des programmes scolaires fumaient en écoutant du Lou Reed et du Patti Smith en boucle, mais j’aimerais vraiment savoir à quoi tournent leurs homologues d’aujourd’hui ? Dans les années 70 on proposait à des ados de montrer leur cul et plus s’ils se retournaient, à des potes de classe qui devaient prendre la chose avec aussi peu d’émotion qu’une interro d’anglais. 40 ans plus tard, il est question de comprendre et de s’exprimer en utilisant les langages des arts et du corps !
Le Capital et le Petit livre rouge ne sont plus les livres de chevet que de quelques dinosaures en voie de disparition, et c’est le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture qui est censé montrer la direction à des centaines de milliers de professeurs. L’arme fatale de la laïcité contre l’obscurantisme religieux.
Mais je sens bien que le récit de ces tranches de vie croustillantes vous passionne au point même d’en émoustiller certains. Le but n’est pas de vous raconter une vie trépidante, la mienne, mais de témoigner d’une époque révolue auprès de nos jeunes générations. Il était possible de pisser dans un pot de fleur, boire un godet avec un représentant de l’ordre dans l’exercice de son maintien ou de fumer un spliff avec un contrôleur SNCF faisant sa tournée à une heure tardive dans votre compartiment. A moins que ça ne soit le contraire. Vous pouviez aller au boulot ou à l’école accoutré d’une manière qui relègue le burkini ou la djellaba au rang de panoplie pour enfant. Et si jamais vous étiez viré, il ne vous fallait pas deux jours pour retrouver du taf. Les feux de camps sur la plage, en chantant l’intégrale de Greame Allwright entre une merguez et un coup de jaja qui n’était pas toujours le meilleur ami de votre estomac. Les discussions sans fin sur la peine de mort, le Vietnam, l’avortement, le Népal ou le Larzac…
Franchement, alors que la vie passe de telle manière que j’ai bien peur qu’elle ne s’arrête un jour, je n’éprouve pas de nostalgie excessive à l’évocation de ces souvenirs. Pas plus que quiconque quand il repense aux bons moments de sa jeunesse. Ce qui est fascinant, c’est que quatre décennies plus tard les fantasmes futuristes et sécuritaires des auteurs de science-fiction sont devenus de l’ordre de la réalité, et plus encore dans certains cas. Et visiblement, on n’est pas au bout de nos peines tellement le progrès scientifique est exponentiel.
A quelques encablures des élections présidentielles, la bonne nouvelle c’est qu’on peut se rassurer, elles seront plus démocratiques qu’en Corée du Nord ou au Gabon. Si Jean-Luc, Marine et quelques autres ont déjà mis leurs appareils en ordre de marche derrière leur candidature auto-proclamée, les primaires nous promettent un feuilleton en plusieurs épisodes qui ne devrait pas manquer de piment. La septième saison de Game of thrones en live. Personne ne doute du recul et de la sérénité que prendront les débats au sein de ce que l’on nous vend encore comme la plus grande démocratie du monde. La saine confrontation de visions globales du monde et de l’avenir, sans tomber dans le panneau de débats aussi constructifs que le burkini, la loi El Khomri ou le positionnement de Pogba en équipe de France.
Le seul problème, c’est que tous ces candidats vont ferrailler avec les mêmes armes, à coup de télés, de réseaux sociaux et de journaux. N’ayez crainte, pour les récalcitrants aux nouvelles technologies, des hordes de brigades légères sillonneront encore les marchés et certaines viendront même sonner chez vous, dix ans après le dernier vendeur d’encyclopédie. Attention, à ne pas confondre avec les Témoins de Jéhovah qui peuvent facilement s’enraciner dans votre salon si vous n’y prenez garde.
Mais comme souvent, il y en a un qui a compris certaines choses avant tous les autres. Il a décidé de remettre l’humain au centre du débat politique et de venir à la rencontre des citoyens là où ils sont de plus en plus nombreux, les grandes surfaces de bricolage. Mais l’idée de génie de ce fidèle lieutenant de François Bayrou est de prendre l’opinion à contre-courant en revenant à des valeurs qui de nos jours n’ont plus trop le vent en poupe. Décidément, le Modem est le seul parti qui n’hésite jamais à joindre le geste à la parole.
Avec eux, la démocratie est plus que jamais dans l’action, laissant les longs discours stériles à toutes ces fiottes de droite ou de gauche. Après la claque de son président en 2012, Robert Rochefort, à ne pas confondre avec Jean, a décidé de remettre la pignole, un geste trop souvent dévalorisé, sur le devant de la scène. Cet incorrigible soixante-huitard, directeur du Credoc pendant des années, a eu le courage de partir en croisade contre cette pudibonderie qui se propage dans cette France devenue si triste.
Je ne sais pas si le Modem profitera de ce formidable coup de projecteur médiatique, mais en tout cas, on sait maintenant que les slogans publicitaires ne sont pas toujours du pipeau. Chez Casto y’a tout c’qui faut, outil et matériau.
Merci Robert.