Le mois d’Août va bientôt plier bagage.
Finis les épuisettes, les bateaux pneumatiques et les sandales en plastiques, sans chaussette, c’est mieux. Fini ce monde englouti que la marée basse nous dévoile, les trous d’eau et les criques ensablées. Rendez-vous dans un an, à moins de vouloir jouer à l’excentrique pour ceux qui auront la chance d’aller à la montagne.
Autrement dit c’est la rentrée des classes pour nos douze millions d’écoliers, cartable sur le dos et téléphone dans la poche. Pour la première fois depuis toujours, la violence effective va baisser dans les cours de récré. Plus de bagarres mais des combats de Pokémon ! Mais avant nos chères petites terreurs, ce sont 900 000 fringants professeurs qui vont retrouver le chemin de l’école, sans cartable ni short à fleurs, sévèrement proscrit par le règlement intérieur. Et pourtant, quelle fierté de pouvoir exhiber une paire de gambettes dorée par le soleil impitoyable de cette quinzaine post-olympique. Il faut dire qu’après une période plus proche de l’ère glaciaire que de de la gelée blanche, le salaire des enseignants augmentera en 2017. Un coup de pouce qui évidemment n’a rien à voir avec les phases finales du championnat de France d’histoires drôles du mois de mai.
Mais la vraie richesse est certainement plus dans l’oseille qu’on ne dépense pas que dans le traitement qu’on vous administre. Et là, cet été 2016 a permis à de nombreux petits malins de s’en mettre plein les fouilles. Si certains malchanceux sont partis aux Seychelles, aux Maldives ou dans les steppes arides de Patagonie, une caste de nouveaux riches a eu le courage et la lucidité de partir en vacances dans son canapé.
Pour qui n’a pas la chance de naître avec une petite cuillère en argent dans la bouche, les années bissextiles ne sont pas l’occasion d’exprimer un fétichisme bipolaire. Ni celle, peut-être la dernière sait-on jamais, de vivre un 29 février forcément extraordinaire. Non, c’est l’année des JO. Pour ceux qui ont compris depuis longtemps qu’investir quelques dizaines d’euros pouvait leur permettre d’en gagner des centaines, les années normales sont déjà plus juteuses que la plus attractive des assurances-vie.
Enchaînement Roland-Garros – Wimbledon – Tour de France vous amène pour une quinzaine d’euros de mi-mai à mi-juillet sans avoir à refaire votre passeport ni prendre aucun risque, à moins d’aimer les feux d’artifice. Une bonne semaine dans la Creuse ou dans le Morvan et c’est déjà la reprise du championnat, les merlus prennent la tête sans que personne ne sache si ça sera un feu de paille estival de plus. Mais 2016 fut un vrai jackpot, un casino où vous êtes certains d’empocher le gros lot. Novak, le chevalier anti-gluten vient à peine de remporter son premier saladier, que l’Euro démarre. Juste le temps de faire les courses pour un petit BBQ entre les gouttes et c’est parti pour cinq semaines jusqu’à une finale aussi soporifique qu’historique, en tout cas pour des portugais qui ont lâchement profité du forfait de Jean Tigana.
Une bonne quinzaine pour sécher ses larmes, noyer son chagrin ou exprimer sa joie à coup de Super-Bock, et c’est Rio qui commence. Une traversée transatlantique bien calés dans le canap, et à vous la samba, le Corcovado, Copacabana, Ipanema et le carnaval. Fini la Super- Bock, vive la caipirinha ! Le tout là-aussi pour une trentaine d’euros, et même gratuitement pour les fans de Nelson Monfort. Le Brésil est un pays qui m’a toujours fait rêver, et y vivre ces Jeux est certainement une aventure inoubliable pour ceux qui l’ont fait. Ecouter de la bossa dans un bar d’Ipanema ou se tremper dans les rouleaux tièdes de Copacabana sont des joies difficiles à connaître dans son salon, surtout sur des plages plus célèbres pour leurs strings que pour leurs burkinis. Mais les JO, qu’ils se déroulent à Rio ou à Pontault-Combault, seront toujours le théâtre d’aventures hors du commun, qui au final tissent la légende olympique.
Tout a été dit ou écrit sur Rio. Des histoires de couples, nos lourds du judo, nos futurs mariés de la boxe, les filles et les gars en argent au hand. Les joies, les déceptions, les surprises bonnes ou mauvaises, Aurélie Muller, Renaud Lavillenie, Simone Biles, Tony Parker, Mayer, Diniz, Van Niekerk, Djokovic,…
L’historique et l’extraordinaire sont évidemment pour Michael Phelps et pour Usain Bolt, on peut même se demander si on reverra de tels phénomènes un jour, en tout cas ça va être tendu de notre vivant. 23 médailles d’or pour l’américain et trois triplés pour le jamaïcain. Pas grand-chose à dire.
Mais au-delà des chiffres et des records, c’est la décontraction et la façon d’être de Bolt qui sont remarquables. Le gars est capable de faire le show avant, pendant et après ses courses, de passer par tous les micros, d’avoir un mot sympa pour chaque athlète, chaque officiel… Nature, sympa, cool, sans que ça paraisse surfait, un peu comme Griezmann et Galthié dans la pub sport 2000. Le contraire de la com. Humain. Marrant. Capable de revenir sur la piste trois heures après le 4X100 pour lancer le javelot à plus de 50m. S’il avait pu, il aurait participé à d’autres épreuves : sur le tatami contre Teddy Riner, sur le ring contre Tony Yoka ou dans la raquette face à Kevin Durant. Pourquoi pas dans un kayak ou sur un cheval ?
Mais si je devais ne retenir qu’une chose, ça serait cette demi-finale du 200m. Imaginez Hamilton demandant l’heure à Rosberg en le doublant à 320 km/h ou un lion prenant des nouvelles de la famille d’un gnou avant de l’étriper.
- Dis- moi André, ça te dirait de venir boire une caipirinha après la course ? -
Non pas ce soir Usain, j’ai rendez-vous chez le dentiste.
19’’78 pour l’un, 19’’80 pour l’autre, Bolt et De Grasse ont tapé la discut alors qu’ils cavalaient à une vitesse proche de la limite humaine. Du jamais vu. Un truc qui aurait été tellement banal 10 km/h plus lentement et ailleurs qu’aux JO. Mais qui du coup devient incroyable. Avec ce sourire qui illumine le visage des deux hommes. Et que peut-être ceux qui étaient au stade n’ont pas vu?
Quand je vous disais qu’il suffisait d’investir quelques pièces pour décrocher le gros lot de l’été