Merci François, tu as su rétablir une justice qu’un jury populaire avait rendue avec une humanité proche de celle qui régnait dans la Stasi.
Quel monde étrange que le nôtre, un monde où le peuple est sensé être souverain depuis que l’envie lui a pris de raccourcir les Bourbons de quelques centimètres. Un monde dans lequel ses représentants, démocratiquement élus, sont parfois capables d’affecter des sommes considérables à des mobiles plus nobles et urgents que la survie d’une famille qui n’a toujours pas compris que son salut cellulaire passe plus par le bio que par ce qu’elle trouve dans les poubelles. Certains parents sont parfois trop laxistes. Je ne parle pas de choix politiques budgétaires, par définition critiquables, en particulier par des babas-cool irresponsables et ravagés par des années de cannabis, des décennies pour les vrais soixante-huitards. Du genre, si on affectait les milliards de la Défense à la culture de la betterave, la Seine et Marne serait sans doute connue pour autre chose qu’un ridicule parc d’attraction. Non, c’est un peu comme quand notre belle jeunesse djihadiste nous arrache des torrents d’émotion en nous offrant une rafale de kalach ou un spectacle pyrotechnique, sans qu’aucune des incivilités intermédiaires n’aie déclenché quoique ce soit. Rien d’alarmant dans le fait que des gamins en perdition soient si bien pris en charge par l’institution scolaire. « Comme tu as caillassé la bagnole de ta prof d’espagnol, j’y peux rien c’est toujours elle qui prend, on va te changer de bahut » ! Le fameux conseil de discipline, avec ses quelques larmes et ses regrets provisoires. Le monde dans lequel on vit est devenu d’une telle absurdité que je pourrais vous en coller sur des pages. L’injustice peut bien être de tout ordre, de classe ou pas, j’ai toujours été fasciné par ce que je pourrais faire avec quelques faux-frais restés aussi célèbres qu’impunis. Le voyage en avion d’un célèbre labrador, une paire de bottines, une bouteille de pinard, un cigare…Attention, si je continue on va me taxer de populisme et de faire le jeu de hordes plus marines que sauvages. Sauvage, justement, laissons pour une fois les chèvres tranquilles et revenons à nos moutons. Jacqueline est aux faits divers ce qu’Adolf est à l’histoire, un monstre. Ou plutôt son défunt mari. Difficile d’imaginer un tel cumul, même dans une bergerie des contreforts du Mont Elbrouz. Violée, torturée, frappée, elle, ses enfants, pendant plus de 40 ans… No comment. Emotion, indignation, colère, qui peut se vanter de pouvoir garder la tête froide devant un tel drame ? Ce qui me frappe n’est pas tant le niveau de monstruosité que l’être humain peut atteindre. On a déjà vu du très lourd, mais rien pour nous dire que le pire n’est pas à venir. Non, ce qui peut fasciner c’est cette liaison maléfique qui dans certains cas unit la victime à son bourreau. Pas toujours, car je suis moyennement persuadé de l’amitié de Louis XVI pour Charles-Henri Sanson, ou de Samuel pour Hans Peter. On n’est pas non plus dans le syndrome de Stockholm, quand l’otage épouse la cause de celui qui le séquestre. Je crois qu’on est au plus profond de l’humain, bien au-delà du fait divers. Jacqueline Sauvage est le miroir de notre âme. Si j’étais né en 17 à Leidenstadt chanterait Jean-Jacques. Qu’aurions-nous fait à la place de Jacqueline ? 42 ans de souffrance et d’enfermement. Un miroir aux alouettes. Dans lequel c’est notre image que l’on voit. Celle de la peur qui parfois nous habite, celle qui donne des sueurs froides, celle qui paralyse, mais qui n’évite pas le danger. Un peu comme dans un labyrinthe à la foire du Trône, le miroir est déformant, l’image est démesurée mais il renvoie une réalité qui existe bel et bien. Ne souhaitons à personne de vivre ce que cette pauvre femme et ses enfants ont vécu, mais je crois que l’on peut tous se reconnaître dans cette histoire dramatique et universelle. Des trottoirs de Manille à ceux de Melun. La peur est un puissant anesthésiant, et les occasions de l’éprouver ne manquent pas quand la vie s’emballe. Celle de l’inconnu, peur de prendre des risques. On sait ce qu’on a, mais pas ce qu’on aurait si les choses changeaient. Prétexte d’autant plus virulent qu’on n’est pas seul en cause, pas seul à devoir béqueter tous les jours. Celle qui vous pousse inexorablement à vous accrocher à votre job, pour ceux qui ont la chance d’en avoir. Celle des conventions, peur du qu’en dira-t-on. Ne pas passer pour un salaud, ou une salope. Celle de faire mal, qui conduit immanquablement à en faire encore plus. Celle de perdre celui ou celle que l’on aime, qui donne la boule au ventre. Le manque absolu, la peur du vide. Celle du conflit, dans lequel les belligérants laissent forcément quelques plumes. Universel vous disais-je. Les bouddhistes de façade sont là pour vous aiguiller sur la voie du milieu, celle de la sagesse et de la sérénité. Prendre son temps pour ne pas faire n’importe quoi sur le coup de l’émotion. Mais Jacqueline n’a-t-elle pas pris son temps ? 42 piges Plus les 10 qu’on lui avait gentiment octroyées. Pour lui apprendre à légitimer sa défense. Se résigner et attendre que les choses se calment ou changent d’elles-mêmes est rarement positif. Et ne permet jamais de faire l’économie de leur règlement. Même s’il en a le droit, je ne suis pas persuadé que François ait le temps de tous nous gracier. Autre chose à foutre.