Maxime, le chanteur pas le restaurant, nous disait il y a quelques années déjà de regarder la rouille tomber, sur la médaille et son revers. Pas de médaille ce coup-là, une fois n’est pas coutume, mais la force a laissé entrevoir son côté obscur. Claude Onesta, lui-même a évoqué la nécessité de la durée pour qu’un entraîneur puisse mener son projet à bien. Les bienfaits du temps qui passe. Comme Daniel Costantini son prédécesseur, et Olivier Krumbholz, son ex-futur homologue chez les bleues. Un peu moins pour Alain Portes, débarqué du camion tricolore au bout de deux ans seulement. Là-aussi comme pour la force, dans une ambiance un peu obscure, entre vaudeville et mélodrame. On voulait un peu de piment dans un sport un peu trop lisse, nous voilà servis ! Au foot sa sexe-tape, au hand son corbeau. Mais revenons à notre Euro polonais. Toutes les précautions d’usage avaient été prises pour relativiser la performance de l’équipe de France. Une avalanche de blessures, et la théorie qui veut qu’il est impossible d’être champion olympique et d’Europe en six mois. Les supporters que nous sommes et le staff des experts ont fait ce qu’il fallait pour quasiment enlever toute pression avant la compétition. Cette équipe n’a plus grand-chose à prouver. Mais un match reste un match, et la douche polonaise du premier tour est là pour nous rappeler que le handball est un sport de combat collectif dans lequel la victoire se mérite si on y met tous les ingrédients. Globalement on peut penser que les français n’ont pas répondu ce soir- là au défi qui leur était offert par une équipe jouant sa survie olympique. Ce qui est rassurant, c’est la réaction qui s’en est suivie lors des deux premiers matchs du tour principal, avec en particulier une performance remarquable contre la Croatie. Le scénario qu’on pensait, idéal, avec des cadres au rendez-vous et les jeunes qui prennent la relève. En adéquation presque irréelle avec la philosophie de la transmission prônée tous azimuts. Et puis c’est la rechute norvégienne. Personne ne peut penser que ce match a été abordé sans une volonté farouche de le gagner, marque de fabrique de ces gars qui ont encore faim malgré tout ce qu’ils ont pu béqueter. 5 à 2 au bout de quelques minutes, on se dit la machine implacable est à nouveau en route. Mais l’adversaire fait un bon match, Tonnesen et Sagosen nous poignardent en fin de match. On peut évoquer certaines choses, certaines défaillances individuelles ou un manque d’engagement et de mouvements collectifs, mais je pense depuis des années que l’explication est principalement défensive. C’est l’ADN des bleus, et ce palmarès incroyable s’est construit là-dessus. Avec à chaque fois un Thierry Omeyer diabolique. C’est cette assise et cette confiance qui ont permis ces victoires, car les joueurs mettaient un pied sur le terrain en sachant qu’ils allaient broyer leur adversaire. Je suis persuadé que c’est le meilleur moyen de s’enlever toute pression offensive ; car on sait que quoi qu’il arrive, on rattrapera le coup la défense d’après. Confortable et rassurant, même pour des gars que la pression n’effraye pas plus que ça. Largement de quoi jouer relâché en attaque. Un peu comme Djokovic, tellement fort et confiant en retour de service qu’il peut sereinement voir venir sur son engagement. Malgré un début de match monstrueux, « Titi » est rentré dans le rang, a fini sur des stats juste correctes, et Vincent Gérard n’a pas pu inverser le cours des choses. Ce n’est pas la seule explication à cette décennie dorée, mais sans ce facteur X, l’histoire n’aurait pas été la même. L’Histoire, avec un grand H, dépend parfois de facteurs plus ou moins maitrisables. Marseille qui perd une finale du championnat de France, à l’époque où il y en avait une, en décidant de prendre Patrick Persichetti en stricte pendant les soixante minutes de la partie...Sans savoir que l’arrière d’Ivry s’était luxé l’épaule et ne pouvait tirer. Paris qui gagne son premier titre, une coupe de France, grâce à la rage de Frédéric Louis qui n’aurait pas dû jouer. Les anecdotes croustillantes sont légions, en équipe nationale comme ailleurs. Claude Onesta lui-même a sans doute sauvé sa tête en 2005 en Tunisie parce que la République Tchèque, pourtant éliminée, a eu la bonne idée de taper la Grèce ! Un peu comme si les croates n’avaient battu les polonais que de 9 buts mercredi soir. Mais cette fois, pas de miracle à se mettre sous la dent. On est parfois peu de choses, et le toulousain a bien failli ne jamais bénéficier de cette fameuse durée. Celle qui lui a permis d’exprimer toutes ces qualités, celle que le nîmois Alain Portes n’a pas eu le loisir de connaître, à moins qu’il ne succède à nouveau à Olivier Krumbholz ! Petit retour en 2012, au sortir d’un Euro calamiteux, alors que celui-là n’a été que frustrant. La claque reçue en Serbie avait largement contribué à gravir l’Olympe quelques mois plus tard. Vu de l’extérieur, ce groupe avait donné l’impression de se recentrer sur lui-même, de se remettre au boulot animé par un gros sentiment de revanche. Le fameux seuls contre tous, qui parfois peut faire ces miracles. L’histoire pourrait-elle se répéter quatre ans après, on le verra en août ? Pas de leçon à donner, en particulier à des experts, il me vient juste à l’esprit quelques réflexions que je vous livre. La gestion humaine de ce groupe est remarquable et explique pour une part cette régularité dans la performance. Les tauliers sont protégés et peuvent de fait jouer un rôle dans la transmission. Nul besoin de décortiquer ce management tellement ça a été fait dans tous les médias possibles. Et c’est justement ce qui me gêne. Dans ce monde il faut communiquer, mais certaines choses doivent rester dans le vestiaire et dans le groupe. Il faut toujours faire attention à ne pas trop se disperser. Et respecter certaines valeurs que l’on prône. Comme pour les impôts, trop de leçons peuvent donner l’impression de tuer l'humilité. Personnellement j’aime bien sentir une dose d’autodérision et me dire que la personne qui s’exprime laisse une place à ma propre réflexion. Garder un sens critique pour ne pas se laisser embarquer dans le sectaire. D’autant que les pistes explorées et exposées par Claude Onesta sont passionnantes et peuvent même nourrir un débat qui dépasse la sphère du sport. Pas de certitude absolue ne veut pas dire qu’il faille douter de tout. Ou alors c’est la dépression ou la bise à la bouteille. Mais si possible, marrons-nous un peu de temps en temps, ça fait pas de mal à la division cellulaire.