Certains grands moments sont qualifiés de solitude. Pour tout vous dire je n’aurais pas aimé me retrouver à la place de Thomas Villechaize pour interviewer Claude Onesta ou Nikola Karabatic à la sortie de cette douche polonaise. Pas écossaise mais presque. Tout d’abord la question ne se pose pas, BEIN ne me l’a jamais proposé. Mais surtout, est-il envisageable de pouvoir dire, voire juste suggérer, à une star mondiale qu’il n’a pas été brillant ? En mode Ardisson avec le chanteur d’Indochine: « Nicolas entre nous, tu chantes mal ? » Pas persuadé qu’en pareil cas les choses se passent si bien que ça, demandez à une table restée fameuse ! Je pense qu’un micro à la main, un soir de défaite et devant de tels personnages, l’état d’esprit navigue entre la prise en compte d’un ego forcément bien dimensionné et le respect pour une immense carrière, ponctuée de tant de médailles. Un peu comme après l’Euro de basket où personne n’a osé trop titiller TP après sa piètre performance contre l’Espagne, ni Vincent Collet de l’avoir peut-être trop fait jouer ce jour-là. Si Sartre n’avait pas été philosophe, il se serait sans doute essayé au commentaire et à l’analyse sportive. Certaines choses sont du domaine du monde physique, du contenu réel. L’en-soi pour Jean Paul. Pas Huchon, l’autre. En sport ça pourrait s’appeler les stats. Contre la Pologne, celles des cadres sont assez indigentes pour être signalées. Thierry Omeyer à 11/42 soit 26%, Valentin Porte à 2/6 soit 33%, Daniel Narcisse à 1/5 soit 20% et Nikola Karabatic himself à 1/7 soit 14% . Les petits matheux auront vite calculé que ça fait 4/18 soit 22% pour les tauliers, les mêmes qui avaient tordu les Danois chez eux en finale du dernier Euro. Une question vient tout de suite à l’esprit de quiconque a essayé un jour dans sa vie de bien faire jouer à la baballe une équipe de hand, fut-elle de jeunes boutonneux : Pourquoi les laisser aussi longtemps sur le gerflor ? Une bonne fois pour toutes, j’aimerais tordre le cou à une idée reçue si répandue chez tous les coachs de comptoir, ceux qui sont partout sauf sur le banc de touche. Ce n’est pas parce qu’une option a conduit à la défaite, qu’une autre aurait mené à la victoire ! IM PO SSI BLE L’autre question est celle de la mise en perspective olympique. La Pologne est entrée sur le terrain sans aucun autre calcul que celui de gagner ce match, devant 15000 fans survoltés. Son billet pour Rio passe par là, ce qui n’est pas le cas des bleus. Le handball est un sport de combat collectif dans lequel une victoire ne peut s’obtenir qu’en y mettant certains ingrédients. Aucun « tricheur » chez les Experts, on le sait tous, aucun joueur qui ne se cache au moment de combattre, ces gars nous l’ont montré plus d’une fois. De l’extérieur, on a juste eu l’impression que cette immense équipe n’avait pas relevé le défi que la Pologne avait décidé de lui imposer, et ce dès la première seconde. Il est un peu tôt pour se faire un ballon de côtes sur le zinc, donc on ne va pas s’amuser à refaire l’histoire. Les victoires parlent d’elles-mêmes, en soi JP, et nous savons tous depuis une décennie que la stratégie de Claude Onesta est la bonne, celle qui lui a permis de surcharger la vitrine aux trophées de la FFHB. Celle aussi qui a cloué le bec de toutes les voix discordantes, fussent-elles à l’accent marseillais. Après, on peut voir les choses comme un homme de coin qui ne jetterait pas l’éponge pour soulager son boxeur roué de coups. Le manager de l’équipe de France explique depuis toujours que lancer de jeunes joueurs dans des conditions difficiles n’est pas leur rendre service, et il l’a encore prouvé dans ce match. Un changement de défense et l’entrée très convaincante de Kentin Mahé ont failli inverser le cours des choses. Il ne s’agit pas de dire qu’il fallait en profiter pour faire jouer ensemble tous les minots, comme en fin de partie contre la Serbie, mais pourquoi ne pas tenter plus tôt, par exemple, l’option Olivier Nyokas ? Claude a donné une réponse forte en laissant ses cadres piocher sur le parquet. Comme toujours, il préserve par-dessus tout, les équilibres de son groupe, sans bouleverser les forces en présence. C’est ce qui explique cette permanence dans la performance durant cette décennie dorée. Avec Didier Dinart, ils chercheront pendant les quelques entrainements qui s’offrent à eux les ajustements visant à remettre leurs tauliers sur des rails. Des gars qui de toute façon savent le faire, on n’a pas trop d’inquiétude. Jusque-là, c’est la stratégie qui a toujours fonctionné, on attendra la fin de la semaine et surtout le mois d’août pour voir si c’était la bonne. Pas pour la critiquer après coup en cas d’échec, ça serait malvenu. Du genre : « Vous avez vu, je vous l’avais dit ». On peut juste se dire que Thomas Villechaize fait un métier qui n’est pas toujours facile. Et qu’il est parfois plus facile d’être tranquille sur son canap sur lequel on peut se contenter d’ouvrir une canette.