top of page

EROTOMANE

  • Photo du rédacteur: Admin
    Admin
  • il y a 45 minutes
  • 5 min de lecture
ree


Un coming out dans le IVe est aussi banal qu’une rafale de Kalache dans le 9.3. A l’inverse, certaines appétences sont moins tendance, avouer qu’on est zoophile passe moyen, même pour un rude berger du Caucase.  


A l’aube de mon entrée aux Jardins d’Astrée, j’ai décidé de me laisser aller à une confidence qui me pèse : sachez, cher lecteur, que je vis une liaison secrète avec quelqu’un de très connu. Plutôt que de le dire bêtement, entretenons le suspense en jouant aux devinettes.

C’est un homme brun jeune et large d’épaules ?

Type méditerranéen ?

Il est sympa, souriant et respectueux ?

A ce stade du jeu, beaucoup de gars pourraient matcher : Hanouna, respectueux  ? Stallone, jeune ?  Delon, vivant ? Maron, homo ? L’indice suivant devrait sonner la fin de la récré.

Il a un gros manche avec lequel il martyrise une balle jaune pendant des heures sous le cagnard.

Eh oui, ça fait presque 4 ans que Carlos et moi nous aimons, depuis ce jour de novembre 2021 à Milan où un Espagnol d’1m80 matraqua ses adversaires du Masters Next Gen de parpaings de coups droits et de services à plus de 220. L’année suivante, le jeune Alcaraz montrera au monde ce que je savais déjà : il n’est pas qu’une brute épaisse qui cogne comme un sourd mais fait preuve d’un soyeux toucher de balle. Mieux, Carlito enlève son premier majeur à New York et atteint la 1ère place mondiale. Si certaines femmes osent clamer que « le gorille est supérieur à l’homme dans l’étreinte»1, je crois pouvoir dire que mon Murcien n’est pas un homme comme les autres. Côté court, il a quelque chose que les autres n’ont pas : une faculté à remettre des balles impossibles pour les 99 autres joueurs du top 100 et une main incroyable qui fait ce qu’elle veut de la petite boule de feutre.


Mon homme n’est pas un robot, c’est aussi pour cela que je l’aime. Les deux années suivantes, il enquille 3 majeurs mais fait preuve d’inconstance. Certains diraient les défauts de ses qualités, toujours est-il qu’il entache son beau parcours de contre-performances  notoires et d’une défaite historique contre Nole aux JO de Paris. Notre idylle en a souffert, je ne vous cache pas que j’ai été tenté par quelques coups de canif au contrat.

Il y a eu Denis, un gaucher Canadien capable de ridiculiser n’importe qui n’importe où, comme Nadal pendant deux sets sur terre battue avant de s’écrouler comme une daube. Ou Alexander, un fantasque Kazakh d’1m96, plus enclin à vider quelques mousses qu’à souffrir à l’entraînement. Pire, j’ai même failli tomber sous le charme d’Emma, une petite Anglaise de 19 ans qui a eu le culot de sortir des qualifs et de remporter l’US Open en 2021. Cette traînée est allé jusqu’à tenter de me voler mon mec en lui proposant un double mixte richement doté en 2025. Par amour, il a fait exprès de jouer comme une pine au 1er tour pour perdre lamentablement contre Draper - Pegula, une paire de loosers patentés.

Pendant ce temps, un rouquin Italien a pris le pouvoir, il est tout ce que Carlos n’est pas. Il a atteint un niveau incroyable sans baisse de régime d’un tournoi sur l’autre. Sa régularité effroyable n’a d’égale que la platitude affligeante qu’il affiche devant les micros. Et puis ce n’est pas mon genre, trop maigre malgré les stéroïdes avalés à l’insu de son plein gré. Au final, je suis fier d’être resté fidèle, mon fier Ibère me l’a rendu au centuple.


En mai sur la terre battue de la Porte d’Auteuil, il a d’abord laissé filer quatre sets en route avant de retrouver un Jannick en finale qui jusque là n’a pas jeté une miette à ses adversaires. Les deux premières manches n’augurent rien de bon pour mon chéri, on sent bien que le transalpin va lui marcher dessus. Et pourtant, après 5h28 d’une finale anthologique, mon Carlito soulèvera une deuxième fois la Coupe des Mousquetaires après être revenu plusieurs fois de l’enfer. Au delà des coups du tennis, c’est le seul à pouvoir le faire, c’est aussi pour ça que je l’aime. Un mois plus tard sur le gazon londonien, la vérité entraperçue à Paris éclate au grand jour, Sinner est bien le plus fort. A la fin du 3e, Alcaraz lance à sa box : « En fond de court, il est bien meilleur que moi». On est pas loin du fameux « No mas » de Roberto Duran  à Ray Léonard, Sugar de son surnom.

En ce mois de juillet 2025, on se dit que c’est le début d’une hégémonie partie pour durer un moment . Mais loin de sombrer dans la déprime et la San Miguel, l’Espagnol va relever la tête et prouver qu’il en a autant dans le crâne que dans les biceps, il va se remettre au travail. Pour arrêter de se mettre en danger sur ses engagements, il va améliorer son service. Plus posé, moins risque-tout, il bosse aussi son revers et son retour de service. Autant dire qu’on ne s’est pas beaucoup vu, mais c’était pour la bonne cause, redevenir le meilleur !


Fin août, l’US Open arrive à point nommé pour valider ces progrès. Mon Carlos botte le derche de tout le monde, Djoko compris, sans perdre la moindre manche. En finale, son rival préféré s’est baladé lui aussi, hormis une petite alerte contre Shapovalov. Perso je sens moyennement le coup, le souvenir de Wimbledon reste cuisant. Mais malgré un deuxième set moyennasse, le match est à sens unique : mon mec s’adjuge un 6e majeur et retrouve son trône de number one. Avant ça il avait l’élégance de Roger et le coup droit de Nadal, mais comme ça ne suffisait pas, il s’est offert le service de Sampras, le retour et le revers de Djoko. Sur chacun de ses coups, il n’a plus grand chose à envier aux plus grands. Quand il joue, c’est un orchestre symphonique à lui seul, uniquement composé de virtuoses.

Pour le moment, notre histoire doit rester secrète, c’est mieux pour sa carrière. Je rêve bien sûr de partager sa vie, mais ne veux en aucun cas lui causer du tort. C’est injuste, surtout quand je vois toutes ces roulures s’afficher sans honte dans les box des tennismen. Sa mère Virginia est au jus, mais Carlos, son père, est un fervent catholique qui n’acceptera jamais notre union. Alors nous devons nous cacher, il a trop besoin de sa famille pour gagner.

Dernièrement j’en ai touché un mot à mon psy, cette baltringue pense que je mythone et suspecte de l’érotomanie. C’est la conviction délirante d’être aimé, une psychose paranoïaque  autrement appelée syndrome de Clérambault.

Quel abrutit ! Je n’en suis pas à mon premier Numéro Un Mondial, il ne peut pas savoir que Bjorn, Pete et Roger étaient eux aussi fous de moi…


1- Georges Brassens

Commentaires


You Might Also Like:

© 2023 by Going Places. Proudly created with Wix.com

bottom of page